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La fission de Huy (épisode 3)

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Serena Vittorini. CC BY-NC-ND.

On la croyait divisée. Elle est fauchée. Huy retire ses habits d’apparat pour endosser les oripeaux de la précarité. La Ville touche près de 15 millions par an de la centrale nucléaire et pourtant, Huy est pauvre. Mais Huy va réagir. Le bourgmestre enchaine les projets de revitalisation. Pour lui, la mixité sociale viendra avec l’amélioration du bâti.

Sur le budget communal de 49 millions, entre 12 et 15 sont fournis par la centrale nucléaire de Tihange. 30 % de bonus radioactif. De quoi être actif ? Sauf qu’à visiter Huy, l’argent n’a pas été mis dans les bâtiments. Alors, il est parti où ? Le verdict de la vox populi est unanime : Lizin a engagé à tour de bras pour des raisons électoralistes. L’administration communale serait-elle pléthorique ?

Médor a voulu comparé le personnel de la ville de Huy (21 120 habitants) avec celle d’Andenne (27 500 habitants), proche géographiquement, et celle de Braine-le-Comte, proche démographiquement (21 901habitants).

Résultat, Huy emploie 362 ETP. Ce nombre comprend le personnel mis à disposition des ASBL paracommunales et autres. Par contre, les enseignants subsidiés par la Fédération Wallonie Bruxelles, le personnel de la monozone de police, de l’hôpital et des pompiers (zone Hemeco), ne sont pas compris dans les 362 ETP.

A Andenne, le personnel communal se chiffre à 222 ETP, et à Braine-le-Comte, à 130. Ces chiffres portés à la population, un employé de Huy se consacre à 58,3 habitants, pour 123,8 à Andenne et 168,4 à Braine-le-Comte.

Adapter la voilure

« Si on avait fonctionné avec le budget d’une ville de 22 000 habitants, on n’aurait sans doute pas développé les services tels qu’on les a, reconnait le bourgmestre Christophe Collignon. Avant, nous avions même deux vétérinaires à la ville, Huy avait sa propre Afsca ! Maintenant, on est revenu relativement dans les normes, le personnel nous coûte 41 à 42 % du budget. Mais c’est certain : il va falloir que l’on adapte la voilure à nos moyens. »


Car la fin du nucléaire risque d’être un petit Hiroshima pour Huy. Non seulement les 15 millions ne seront plus touchés, mais plus de la moitié (57 %) des 1 045 agents employés qui risquent de perdre leur emploi habitent dans un rayon de 10 km autour du site. Christophe Collignon est conscient du défi à venir et des risques d’échec : « on peut devenir un désert économique. A l’échelle de la sous région, l’arrêt du nucléaire est un petit Arcelor. » Et d’en appeler à l’aide de la Région wallonne.

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Même si ce n’est pas flagrant sur la photo, le bourgmestre ne reste pas les bras croisés pour sa ville…
Serena Vittorini. CC BY-NC-ND

Samuel Cogolati (Ecolo, opposition) partage le constat, mais pointe l’impréparation de la Ville. « Nous savons tous que Huy devra très bientôt se passer de cette poule aux œufs d’or que constitue la centrale. Ecolo plaide depuis longtemps pour la constitution d’un fonds de réserve comme à Beveren. » Beveren accueille sur son territoire la centrale de Doel et a un fonds de réserve de 45 millions. A Huy, le bas de laine est moins fourni. Le fonds qui n’a vu le jour qu’en 2014 est aujourd’hui doté de 11 millions d’euros. De quoi tenir un an sans changer de niveau de vie. Et l’élu Ecolo d’ajouter : « « Il est aussi incompréhensible que la Ville de Huy souffre de tant de pauvreté (un des taux les plus importants de RIS/habitant en Wallonie) avec de telles rentrées financières. »

Se découvrir ville

De fait. Si l’argent a été investi dans les services communaux, comment expliquer que les résultats en termes de pauvreté sont si décevants ? « Avec cette manne financière nous ne devrions pas avoir de problèmes de logements et d’emplois publiques. », estime Ruben Garcia Otero, conseiller communal PTB. C’est tout le contraire qui se passe. Tournée vers le tourisme et l’événementiel, Huy n’a pas anticipé et découvre les soucis d’être une « ville », avec une population pauvre qui arrive, avec des dispositifs sociaux qui craquent. Au niveau du logement, le bâti est vieux, les logements sociaux rares. Et la ville a laissé se développer une subdivision excessive des logements.

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Plus d’un tiers des logements hutois ont été construits avant 1900…
Iweps. CC BY-NC-ND


Une des tâches aujourd’hui de l’administration est d’endiguer le phénomène. Visites des logements, demande de mise en conformité, conseils énergétiques par des « Ecopasseurs ». Les divisions d’immeubles visant à alimenter la spéculation sont à présent bannies. Mais que deviendra la population aujourd’hui mal logée, peut-être demain délogée ? Devra-t-elle quitter la ville ?

Mixité ou fission

La mixité sociale, pour Christophe Collignon, passera par la rénovation urbaine : « Quand le cadre de vie s’améliore, la mixité sociale vient d’elle-même. » Dans un Plan Stratégique transversal précis, détaillé et courageux (on y retrouve un descriptif de projet, le budget, un agenda de réalisation ainsi que la personne responsable au sein de l’administration, autant de balises qui risquent de sauter à la figure de la Ville si elle ne suit pas ses dossiers), la Ville liste les projets urbanistiques des années à venir.

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Et la rive gauche n’est plus délaissée : le chantier autour de la gare, la rénovation du quartier de Statte sont des avancées concrètes. Et le bourgmestre mise beaucoup sur le projet emblématique de l’Esplanade Batta. Ce quartier défavorisé de Huy, les pieds au bord de l’eau, la tête dans les tours d’habitation, accueillera une esplanade, un hall de petits producteurs ainsi que l’arrivée du téléphérique. De quoi créer un nouveau pôle d’attractivités pour les Hutois(es), bien en peine de sortir ailleurs que sur leur Grand place ? Des propos entendus lors de la balade de Médor, le projet fâche pourtant. Manque de concertation, population pas consultée. Il n’est pas trop tard. Le projet prend du retard, la faute incombant à la Région Wallonne. « On plaide coupable dans ce dossier, reconnait le porte-parole Nicolas Yernaux, on a dû parer à plus urgent. »


Si les investissements "Rive Gauche" arrivent enfin, l’hypercentre de Huy, ilot de prospérité, sera encore renforcé par le développement du quartier Quadrilatère et la création d’une cité administrative à deux pas de la Grand Place. Elle se déploiera sur 2 535 m2 . De quoi augmenter la circulation au sein du Huy « carte postale », et tant pis pour le reste du territoire. « Je comprends le soucis de diversifier les points de rencontre de la ville, mais dans ce cas-ci, l’idée est de rassembler nos services pour faire des économies d’énergie et d’entretien. » explique le bourgmestre.

Economiser et redéployer la ville, l’adéquation hutoise n’est pas aisée à résoudre. Mais aujourd’hui, le plan est clair : la Ville post-nucléaire recherchera des atomes crochus avec le développement touristique et patrimonial pour se réinventer. En espérant que ce rayonnement ne laisse pas sur le côté les plus fragiles de la ville. La fission à éviter.

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