VDB : Qui m’a samplé ?
Comment un ex-Premier ministre kidnappé s’est-il retrouvé séquestré sur un vinyle ? Retour sur un échantillon de voix qui a fait jurisprudence.
« Qui m’a enlevé ? » On connaît désormais la réponse. L’ex-Premier ministre Paul Vanden Boeynants (VDB) a été kidnappé et séquestré par la bande de Patrick Haemers, figure de l’âge d’or du gangstérisme belge. Il a été libéré le 13 février 1989, après un mois de séquestration et le paiement d’une rançon colossale. Lors de la conférence de presse qui suit sa libération, il s’interroge : « Qui m’a enlevé ? »
Paul Delvoy, musicien et ingénieur du son, l’entend à la radio et décide de l’enregistrer. Il sample la voix de VDB et en fait Qui.. ?, un 45-tours new beat, sous-genre belgo-belge de musique électronique mâtiné de sons new wave, acid house et electronic body music (EBM). Le morceau est bouclé en quelques heures. « Je n’avais pas l’intention d’en faire un disque, explique Paul Delvoye, je voulais juste le faire écouter à mes amis. »
Cassette piratée
Sauf que la cassette a commencé à tourner… « Un producteur est venu me voir pour me dire qu’un DJ l’avait piratée et essayait de lui vendre le morceau ! » Sous le nom d’artiste BSR, Delvoy signe alors un contrat avec ce producteur. Le morceau conquiert le top 50.
Mais VDB veut sa part sur le futur disque d’or. « La Sabam m’a alors convoqué pour trouver un arrangement et éviter le procès. » La situation est inédite. La Belgique découvre à peine les samples et celui-ci n’est pas issu d’une œuvre musicale mais d’une conférence de presse, événement public par définition. « On a donc convenu de lui céder la moitié des droits d’auteur, soit environ un quart des revenus. 75 000 balles (1 800 euros). Bon, c’est quand même lui qui a écrit et prononcé ce communiqué. »
Ce sample aura donc fait jurisprudence en matière de droits d’auteur, même si le service juridique de la Sabam, la société belge qui gère les droits des auteurs et compositeurs, ne trouve rien sur le sujet dans ses archives.
Depuis, un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a précisé la règle : il faut demander l’autorisation aux ayants droit si l’œuvre reproduite est identifiable. Et donc, tant pis pour Kraftwerk qui poursuivait la rappeuse Sabrina Setlur pour avoir utilisé un mini-extrait, très bidouillé, de leur titre Metall auf Metall. Où on arrive à peine à voir qui est samplé.
