Maman n’est pas sur la photo
Nos albums de famille
Texte (CC BY-NC-ND) : Louis Van Ginneken
Publié le
Caractérisé par son odeur de quasi-moisi et sa couverture aux liserés dorés-démodés, l’album photos de famille relate les grandes étapes de nos petites vies. Et dévoile les dynamiques genrées au sein du foyer.
« Tellement ! », « Tellement… », « Mais tellement ! Je suis tellement peu présente dans les albums des garçons. » Les réactions affluent dans la boîte de réception de Juliette Mogenet. La Bruxelloise vient de partager ceci, sur Instagram : « Mères de famille, on vous prend en photo, vous ? » À cette question, elle répond qu’il y a « 100 fois plus de photos de mes enfants avec leur père, leurs grands-parents, leurs ami·es, leur chat… qu’avec moi qui pourtant suis celle qui passe 10 fois plus de temps avec eux que toutes les personnes citées ci-dessus ».
La question, d’apparence anodine, a déclenché chez elle, ses amies et des centaines d’inconnues sur les réseaux, une prise de conscience collective.
Elles sont « tellement » dans ce même cas, éclipsées des souvenirs photographiés, réalisent-elles en chœur. Alors oui, « y’a pire dans la vie », tempère Juliette. Mais pour elle, qui est mère de deux enfants, ce phénomène « s’inscrit dans une toile beaucoup plus large de déséquilibres dans la prise en charge du travail domestique ».
Cette responsabilité de capturer la vie de famille endossée par les mères a pourtant été, par certains aspects, « une victoire des femmes sur la technique ». C’est ce que postule la sociologue et photographe Irène Jonas, dans son article « La photographie de famille : une pratique sexuée ? ». Pour le comprendre, il faut rembobiner un peu l’histoire de la photographie amateur et des albums de famille.