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Le loup, une ardeur d’avance

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Marine Schneider. CC BY-ND.

Disparu de nombreuses régions d’Europe au cours des deux derniers siècles, le loup y fait depuis quelques décennies sa réapparition. Son retour en Wallonie, encore inimaginable au début des années 2000, semble désormais imminent. N’est-il pas temps de nous y préparer ?

Plusieurs loups ont été observés dans le département français de la Meuse en 2014 et 2015. Et alors que le canidé est aussi présent en Allemagne, notamment dans la Sarre, à la frontière du grand-duché de Luxembourg, les autorités grand-ducales se préparent activement à son retour chez eux. Fin 2015, celles-ci annonçaient élaborer un plan de gestion du loup et plancher déjà sur les modalités de l’indemnisation des éleveurs de moutons et de brebis en cas de prédation par le loup. En Wallonie, la préparation du retour du loup est envisagée selon une tout autre politique, celle du « tant que le loup n’y est pas » : rien ne sera envisagé tant que des preuves officielles de sa présence ne seront pas réunies. Le spécimen filmé à Gedinne en 2011 et les crottes retrouvées dans la botte de Givet en 2013 ne constituent pas des preuves suffisantes d’une installation du loup chez nous. Mais à la question « Loup, y es-tu ? », la plupart des spécialistes s’accordent aujour­d’hui à répondre que le canidé effectue bel et bien des passages sporadiques en Wallonie. « […] La question n’est plus de savoir si le loup reviendra mais plutôt et quand », estime Anthony Kohler, membre de Ferus, association pour la conservation de l’ours, du loup et du lynx en France.

Craintif ou téméraire ?

« Vu la superficie et les qualités du territoire nécessaires pour la potentielle installation d’une meute dans nos contrées, certains spécialistes estiment qu’une ou deux meutes (soit 8 à 10 loups, à terme) pourraient potentiellement s’installer, probablement sur la base des grands massifs forestiers (Hautes Fagnes, Anlier, Saint-Hubert…). Mais en matière de prévisions, le loup aime souvent surprendre, et il est donc impossible d’être assertif au-delà de la seule certitude de son retour prochain. »

Pour Gérard Jadoul, membre fondateur de l’asbl naturaliste Solon, ce qui semble aussi prévisible qu’inévitable, c’est que ce retour sera accompagné de débats passionnels : « Pour certains groupes comme les chasseurs et les agriculteurs, ce retour sera délicat. Il faudrait que la Région wallonne soit proactive et anticipe ces problèmes. Mais si les autorités wallonnes sem­blent voir d’un bon œil que Natagora (association de protection de la nature, NDLR) crée un groupe de travail dédié au retour du loup, mais aussi du lynx ou du chacal doré, il faudra probablement attendre les premiers grabuges pour qu’elles-mêmes bougent. »

À la tête de la Direction de la Nature du département Nature et Forêts de la Région wallonne, Catherine Hallet admet la nécessité de préparer psychologiquement la population au retour des grands prédateurs, mais estime que ce serait une erreur de perdre du temps en élucubrations, sans savoir comment le loup se comportera sur un territoire aussi densément peuplé que celui de la Belgique. « Va-t-il se montrer craintif vis-à-vis de l’homme, ou plus téméraire ? Sil se cantonne dans les grands massifs forestiers, il posera peu de problèmes. Sil en sort pour oser s’aven­­turer dans les régions où il y a des moutons, ce sera plus problématique. Pour l’instant, notre priorité est de diagnostiquer les preuves de sa présence avec objectivité. Cinq personnes ont été formées en France pour cela au printemps dernier. » L’élevage ovin wallon comptant 65 500 têtes contre plus de 6 000 000 en France, il est probable que nous connaîtrons moins de problèmes que dans les alpa­ges.

Le coût du loup

Comme chaque fois qu’une espèce protégée cause des dégâts par rapport à une activité humaine et, surtout, économique, il y aura indubitablement de l’émotion, et du débat. Celui-ci – c’est presque devenu incontournable, dans le domaine de la nature comme dans le reste de nos vies – ne fera pas l’économie de questions de sous : combien coûte et rapporte à la société le retour d’une espèce sauvage ? Comme si l’on était devenu incapable de penser la réapparition d’espèces hors d’une logique financière. « Malheureusement, faute de moyens, il reste difficile de chiffrer les dégâts mais aussi les services générés par ces espèces sur les écosystèmes, reprend Catherine Hallet. Il est possible que le loup ait des impacts sur la population d’ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers), en surdensité chez nous, et donc un impact positif sur la forêt qui pourrait être moins soumise à la pression de ces derniers. » Si, à l’avenir, le loup ne s’aventurait pas dans la bergerie wallonne, il pourrait vivre en toute discrétion dans nos forêts et rétablir un équilibre forêt-gibier que le monde naturaliste regrette de voir mis à mal depuis le début de la législature en cours. La politique wallonne vis-à-vis du loup, dans laquelle certains diagnostiquent le symptôme d’une certaine paresse régionale, serait-elle en fait une ruse habile ? La nouvelle histoire du loup en Wallonie n’est pas encore écrite, mais elle a déjà l’allure d’une fable.

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