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Nos carpes au bout du fil
L’enfance au téléphone, stress test
Texte (CC BY-NC-ND) : Olivier Bailly & Chloé Andries
Publié le
2012. Nous avons donné à nos enfants un téléphone. 2021. Il s’est transformé en ordinateur. Entraînant les parents dans ce paradoxe : nous n’avons jamais autant désiré des gosses autonomes. Nous ne les avons jamais autant surveillés.
Cet article s’insère dans l’un des volets de notre grande enquête participative sur l’hypersurveillance à la belge.
On s’inquiète pour leur bien.
Avouez-le. Notre génération de parents flippe ou… surprotège ses enfants.
Pourquoi ? Avançons deux explications (il doit en y avoir d’autres). Une pure belge et une autre sociétale.
D’abord la belge parce qu’elle va être vite comprise : elle s’appelle Marc Dutroux. Nous sommes marqués au fer rouge par un traumatisme. « La camionnette de Dutroux est entrée dans l’imaginaire collectif », explique Abraham Franssen, sociologue à l’université Saint-Louis. Mais cette figure de l’ogre – propre à toute société, hein, nous n’avons pas le monopole absolu niveau dévoreurs d’enfants – a changé d’aspect : « La nouvelle camionnette de Dutroux, c’est le profil facebook du méchant pervers. »
Ensuite, l’explication sociétale. Nos enfants ne sont plus « rois », ce ne sont plus non plus des forces laborieuses pour le champ. Ce sont des « potentiels cachés » !
Solène Mignon, doctorante à l’université Saint-Louis, étudie le boom du « coaching parental » pour un projet européen (ERC). Et nous explique ce qui a changé :
« On est passé du statut d’enfant roi à celui de l’enfant au cerveau immature, avec la vague des neuro-sciences. L’enfant est désormais vu comme ayant un potentiel caché, sans limite, qu’il conviendrait d’aider à développer. Et c’est sur les parents que pèse de plus en plus plus cette responsabilité éducative. Ils deviennent des guides pour permettre à leur enfant de développer ses compétences et son autonomie. Mais les limites ne sont jamais exposées clairement. Ce …