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Après l’accident du travail : victime deux fois
Accidents du travail. Episode 5/7
Illustration (CC BY-NC-ND) : Mariavittoria Campodonico
Enquête (CC BY-NC-ND) : Louis Van Ginneken & Julien Bialas
Publié le
Pour certains travailleurs, l’accident est le début du supplice. La reconstruction de Brigitte, sur le plan personnel, a été entravée par sa lutte pour une reconnaissance de l’accident et une juste indemnisation.
« Avant j’étais une femme joyeuse. » Brigitte est assise à la table de sa cuisine, sur laquelle n’est posé qu’un verre d’eau, rempli au trois-quarts. Dans sa maison de la région liégeoise, les volets sont presque entièrement baissés, ne laissant entrer qu’un fin rai de lumière. « Pendant des semaines je n’ai fait que pleurer, déprimer. J’étais incapable de faire quoi que ce soit. Je maigrissais à vue d’œil. »
L’accident est arrivé en 2006. Brigitte, sexagénaire aujourd’hui, était l’infirmière en chef de son service, dans un hôpital wallon. Elle y a investi des années de travail et de formation. « J’aimais ce que je faisais et j’étais reconnue pour mon boulot. » Soudain, un regroupement des sites hospitaliers amène des changements d’organisation interne. C’est au milieu d’une journée de travail que la supérieure responsable des infirmières lui annonce qu’elle est déplacée de service : « Tu as deux heures pour faire tes cartons. » Brigitte est rétrogradée sans justification. Elle perd son poste de chef, est expédiée dans un service où elle n’a jamais mis les pieds. « C’est 30 années de ma vie qui ont été balayées d’un revers de main. »
Le verre est vide. Lorsque Brigitte se ressert, l’eau coule par à-coups. Les mains qui n’ont cessé de trembler, en 17 ans, sont la conséquence de son éviction. Un syndrome post-traumatique, selon le psychiatre chez qui elle s’est rapidement rendue, à l’époque. …