Figure fondatrice du cinéma palestinien, Michel Khleifi a consacré son œuvre à fixer la mémoire d’un peuple menacé d’effacement. Cet artiste majeur donne une place centrale aux femmes et dénonce, avec constance, la violence de la colonisation. Installé en Belgique depuis les années 1970, il a aussi contribué au développement de notre cinéma. En 2019, la Cinematek a restauré l’ensemble de ses films.

Avril 2025. C’est un jeudi matin pluvieux, dans un centre culturel de Laeken. Le cinéaste belgo-palestinien Michel Khleifi doit intervenir après la projection de son film Ma’loul fête sa destruction, réalisé 40 ans plus tôt. Celui-ci raconte la tradition du « pic-nic commémoratif » effectué chaque année à Ma’loul en Galilée pour célébrer la mémoire de ce village, détruit par les forces israéliennes en 1948 et remplacé par une forêt de pins qui a été plantée à la mémoire des victimes du nazisme. Ironie de l’histoire, cette fête du souvenir se tient le jour de l’indépendance d’Israël, le seul de l’année où les Palestiniens peuvent circuler sans autorisation.
Le réalisateur arrive, souriant. Pourtant, ces dernières semaines, il se sent désarmé. « Gaza est en train de me tuer », souffle-t-il, la voix serrée. En guise de réconfort, il fait le parallèle entre le sionis­me et la mafia, et cite le juge italien Giovanni Falcone. « La mafia, comme tous les phénomènes humains, aura une fin. »
Michel Khleifi, chaleureux, se lance alors dans une histoire qui en contient mille pour raconter la genèse de son film. Quand il était gamin à Nazareth, il y avait un couvre-feu militaire. Sa famille peignait les ampoules en bleu pour que la lumière ne soit pas visible de l’extérieur par les patrouilles de …