Des filles « trop grandes »
La pillule du lendemain cesser la croissance
Illustrations (CC BY-NC-ND) : Pom Koo
Texte : Tinne Claes et Bente Ooms (De Standaard)
Traduction : Thomas Lecloux
Publié le
La pilule du lendemain tous les jours pendant deux ans : c’est ce qui a longtemps été prescrit aux filles jugées « trop grandes » par les médecins. Les effets secondaires, notamment sur la fertilité, étaient à peine envisagés.

Elle a longtemps dit qu’elle ne voulait pas d’enfants. « Peut-être était-ce une forme d’autoprotection, raconte Anne-Sophie Buyse, sa main posée sur la douce étoffe du pull-over qui enrobe son ventre arrondi. Quand j’ai appris l’existence de ces études, j’ai tout de suite imaginé que je ne pourrais jamais être mère. » Anne-Sophie s’est vu prescrire des hormones à l’âge de 11 ans, après qu’une visite médicale scolaire lui a prédit une taille de 1 m 86. Une taille jugée « trop grande » par les médecins, non pas parce qu’elle lui causerait des problèmes médicaux, mais parce qu’elle dévierait de l’idéal de beauté féminin. Le traitement a commencé par une simple pilule contraceptive, mais comme elle continuait de grandir, le dosage a été progressivement porté à 250 microgrammes, l’équivalent de presque neuf de ces pilules. Elle a ingéré cette dose quotidiennement jusqu’à l’âge de 13 ans.
« Vingt ans plus tard, quand je ne réussissais pas à tomber enceinte, personne à la clinique de fertilité ne savait quoi que ce soit des effets potentiels de cette inhibition de croissance. » Elle esquisse un sourire jaune. « Je suis très reconnaissante de ma grossesse. Mais le fait d’avoir encore dû prendre des hormones pour y arriver me laisse un goût amer. Les hormones me révulsent, car je pense qu’elles ont été la cause du problème. »
[Pour cette enquête,] nous avons rencontré six femmes à qui les mêmes hormones ont été prescrites entre 1988 et 2014. Quatre d’entre elles souhaitent rester anonymes. …