L’immense gâchis
L’UCLouvain et les femmes
Enquête (CC BY-NC-ND) : Quentin Noirfalisse
Illustrations : Laura Ottone
Enquête (CC BY-NC-ND) : Catherine Joie
Publié le
Depuis 2020, deux biologistes de haut niveau demandent à l’UCLouvain de les protéger d’un environnement professionnel jugé sexiste, violent et propice au harcèlement. Alors que l’Université adapte sa politique de genre, elle a choisi dans ce cas-ci de s’opposer à ces chercheuses. Résultat : l’une est en arrêt de travail et l’autre a dû quitter l’Université. Ce double crash académique symbolise les dégâts majeurs (scientifiques et financiers) provoqués par la domination masculine en milieu académique et dans cette institution en particulier.
Automne 1928. La grande autrice féministe Virginia Woolf travaille sur deux conférences qu’elle va donner à l’Université de Cambridge. Thème : les femmes et la fiction. Cette commande donnera vie à l’essai fondateur « Un lieu à soi ». Pour préparer ses interventions, elle marche et réfléchit dans le parc de l’université anglaise. Un surveillant se pointe et la fait dégager du gazon réservé aux académiciens masculins. « Au nom de la protection d’une pelouse dont ils s’étaient transmis l’entretien pendant trois cents ans, ils avaient fait fuir mon petit poisson », écrit-elle. C’est le surnom qu’elle donne à sa pensée, d’abord insignifiante, qui devient ensuite recherche, puis résultat – littéraire, académique, scientifique.
Caroline Nieberding et Bertanne Visser sont des Virginia Woolf. Pourquoi les chercheuses fuient-elles les facultés de science, le monde universitaire et l’UCLouvain en particulier ? Ces deux biologistes dénoncent le sexisme. Elles demandent des « labos à elles » pour travailler correctement et publier des résultats. Elles citent les noms de surveillants (professeurs, cadres dirigeants) qui protègent une pelouse transmise entre pairs depuis 600 ans.
Les Virginia Woolf de l’UCLouvain se succèdent depuis des décennies. Le témoignage le plus ancien recueilli par nos soins est celui d’Hélène Verougstraete. Cette professeure émérite en histoire de l’art, employée par l’UCLouvain de 1973 à 2009, estime avoir été harcelée …