« Contre le complotisme, parlez de valeurs, pas des vaccins »
Entretien avec Marie Peltier
Photos : Nicolas Lambert/Studio Baxton
Interview (CC BY-NC-ND) : Céline Gautier & Quentin Noirfalisse
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Marie Peltier a subi la force de frappe du complotisme durant la guerre en Syrie. Depuis, elle ausculte ce phénomène de société qu’on ne déjoue pas avec du fact-checking, mais bien en défendant la démocratie, la solidarité et la justice, suggère-t-elle. Rencontre avec une historienne qui étudie les grands récits de notre époque.
Réveillez-vous, on vous ment ! » Sur la quatrième de couverture de son livre L’ère du complotisme, Marie Peltier, historienne et enseignante belge, cite Alain Soral, triste figure de l’extrême droite française. L’appel de Soral au « réveil citoyen » face au « mensonge » de l’élite résume, selon elle, le discours complotiste ou conspirationniste. On est en 2016, et même si le 11-Septembre est déjà loin, les « conspis » se sont bien installés sur internet, toujours prêts à asséner que la version officielle des grands événements « cache des intérêts secrets », qu’eux seuls pourront décrypter. Depuis, il y a eu une crise sanitaire et un vaccin qui ont aiguisé encore plus cette défiance envers le « système » et le « discours officiel ».
Marie Peltier s’y connaît en complotisme. C’est devenu un dada, depuis qu’elle s’est penchée, en 2011, sur la manière dont le conflit syrien était raconté. À l’époque, elle fustige ceux qui, en Belgique notamment, soutiennent le président syrien Bachar el-Assad, au nom de la lutte contre l’impérialisme américain (que l’on peut critiquer, évidemment). Elle se désole de constater que même des personnes « de gauche », à force de critique systématique des États-Unis, entrent dans des logiques complotistes et finissent par soutenir aveuglément le régime totalitaire syrien. Le dénoncer n’était pas simple : les insultes et le harcèlement ne se sont pas fait attendre.
Vous avez été victime de harcèlement en ligne, à cause de vos prises de position sur la Syrie. Comment avez-vous vécu cela ?
En 2016-2017, je recevais tellement de menaces des pro-Assad …