Les désobéissantes
IVG sans frontières
Deux travailleuses d’un planning familial bruxellois ont été poursuivies pour « association de malfaiteurs ». Leur crime ? Avoir voulu aider quelques femmes chiliennes à avorter sans mettre leur vie en danger. Fallait-il poursuivre leur acte, généreux mais illégal ? Un procureur du Roi y a vu une grave menace pour la sécurité publique.

Louisa et Carolina (noms d’emprunt) sont toutes deux psychologues. Leur travail, c’est d’accompagner des femmes qui mettent fin à leur grossesse. En toute légalité, dans un centre extrahospitalier reconnu en Belgique. Lorsque c’est possible, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) se fait simplement à l’aide de médicaments. Les pilules abortives, Louisa et Carolina les connaissent donc comme le fond de leur sac. Mais le jour où elles ont voulu en apporter à des femmes chiliennes qui cherchaient désespérément à y avoir accès, la justice belge leur est tombée dessus. De tout son poids. En les considérant comme des dangers publics. Au terme de cinq ans de procédure, les deux collègues ont voulu que leur mésaventure judiciaire éclaire la façon dont l’avortement est parfois encore perçu chez nous. Comme un truc de sorcières.
Pour comprendre leur histoire, il faut d’abord faire un détour par l’ouest du Chili. Nous sommes en 2015 sur un trottoir de Concepción. Fernando López Escrivá tourne un documentaire, The Abortion Hotline. La caméra filme un tag, réalisé avec un pochoir et une bombe de peinture bleue. On y devine trois mots : « avortement – information – fiable ». Mais dans cette ville, dont le nom honore l’Immaculée Conception, le mot « aborto » ne tient pas longtemps sur un mur. Celui-ci s’est pris des coups de burin, acharnés. En dessous, un numéro de téléphone a été tagué, puis effacé lui aussi et réécrit plus haut à la main. Un combat mural se joue, pour ou contre l’accès …