10min

« La distance journalistique, c’est foutu pour moi »

revolution-egypte-journalisme
Sophie Robin (pseudo). CC BY-NC-ND.

Elle parle l’arabe égyptien avec l’accent de Charleroi et a suivi, en tant que photographe, toutes les manifestations de la place Tahrir au Caire en 2011. Depuis, elle retourne régulièrement en Égypte pour des projets documentaires sur la révolte et la répression. Certains médias lui reprochent d’être « trop engagée », trop proche des activistes qu’elle suit. Un jour, c’est sûr, elle a quitté la distance journalistique pour aider une victime du régime, qu’elle a fait venir en Belgique.

Samy (tous les noms ont été modifiés) m’attend dans un café baladi, « populaire » en arabe, dans le centre-ville du Caire. Le café lui-même tient dans un garage, les chichas sont alignées à l’entrée et quelques tables envahissent le trottoir. C’est le soir, il boit un café turc et fume une clope. Je le reconnais tout de suite. (J’ai partagé à l’époque de sa disparition plusieurs photos sur Facebook.) Je suis en retard une fois de plus, j’ai pris le rythme égyptien. Nous sommes le 28 juillet 2017. Samy vient d’être libéré de la prison de haute sécurité « Scorpion », réputée pour ses traitements inhumains. Il était prisonnier politique du régime égyptien, bien qu’il n’ait jamais été activiste. Ce jour-là, impossible d’imaginer qu’à peine quatre mois plus tard, Samy débarque en Belgique pour demander l’asile et que j’organise moi-même sa venue. Je suis journaliste, enfin photographe. Et même si je suis devenue amie, parfois très proche de beaucoup de jeunes révolutionnaires que j’ai suivis depuis 2010 en Égypte, je n’avais jamais franchi cette ligne-là.

Mon travail personnel a évolué au fil des événements politiques en Égypte. Mon premier livre racontait l’effervescence de la révolution ; mon premier film documentaire soulevait et interrogeait l’engagement et les espoirs déçus. Comment peut-on bien faire survivre les idéaux révolutionnaires en vivant sous un régime aussi répressif que celui du maréchal Abdel Fattah al-Sissi ? Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi et la reprise du pouvoir par l’armée à l’été 2013, il y a chaque …

Lire, en toute liberté

Cet article semble vous intéresser. Vous pouvez lire la suite à votre aise : c’est un cadeau. Nos contenus doivent être accessibles au plus grand nombre. La période d’essai d’un mois, gratuite et sans engagement, est également faite pour cela. Cependant, nous avons besoin d’être financés pour continuer notre projet. Si vous trouvez notre travail important, n’hésitez pas : abonnez-vous à Médor.

Un journalisme exigeant peut améliorer notre société. Voulez‑vous rejoindre notre projet ?

La communauté Médor, c’est déjà 3458 abonnés et 1878 coopérateurs

Médor ne vous traque pas à travers ses cookies. Il n’en utilise que 3 maximum pour la sécurité et la navigation.
En savoir plus