Ce qui restera en nous de Gaza
Leïla Shahid
Pendant dix ans, Leïla Shahid a été la voix de la Palestine à Bruxelles. Avant ça, elle était aux côtés de Yasser Arafat dès 1970, lors des débuts de la lutte de libération, à la signature des accords d’Oslo, en 1993, puis lors de l’assassinat de Yitzhak Rabin deux ans après. La paix, l’espoir, enfin, qu’on tuait sous ses yeux. Aujourd’hui, l’ancienne diplomate redevenue « simple » militante est plus inquiète que jamais. Choquée par l’attitude ultra-guerrière du gouvernement d’Israël, écœurée par le populisme de Trump, outrée par la passivité des leaders européens face à l’horreur des enfants de Gaza. Voici son regard sur « un autre génocide ».
Leïla Shahid, je l’avais en tête depuis un an environ. Depuis cette courte émission du 21 octobre 2023 sur la chaîne d’info en continu LCI, où l’ancienne ambassadrice de Palestine était l’invitée du journaliste Darius Rochebin. Celui-ci ne laisse pas plus de 40 secondes à son interlocutrice avant de la couper une première fois. Il veut savoir si Leïla Shahid ressent « une douleur personnelle » par rapport à « tout ce qui est en train de se dérouler ». On est alors une dizaine de jours après les massacres perpétrés par le Hamas dans les lieux de vie d’Israéliens proches de la bande de Gaza. Entre-temps, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a lancé ses bombardements sur ce micro-territoire intensément peuplé de gens pauvres. L’ex-diplomate cherche à passer du zoom au grand angle, elle rappelle les 56 ans d’occupation militaire de Gaza (et de la Cisjordanie). Mais le journaliste intervient. Comme beaucoup de collègues, il veut avant tout qu’elle prononce le mot « terrorisme » et condamne l’attitude du Hamas.
Au décompte, l’« échange » a été nerveux, stérile ; il a fait le buzz comme l’espérait LCI. Mais la voix de la Palestine, celle d’une de ses représentantes en Europe, était une fois encore contrainte, comprimée, étouffée.
Alors, ici, Médor propose le choix du temps long avec l’ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de la Belgique, du Luxembourg et de l’Union européenne. Née au Liban le 13 juillet 1949, Leïla Shahid a toujours préféré le dialogue aux armes. Elle dit avoir « la tête qui bouillonne, la sensation …