Grandir sans s’agrandir
Olivier Hamant
Photos (CC BY-NC-ND) : Colin Delfosse & Laura Collard
Textes (CC BY-NC-ND) : Chloé Andries & Olivier Bailly
Publié le
Olivier Hamant est directeur de recherche à l’INRAE (Institut national – français –de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et spécialiste de la reproduction et du développement des plantes. Il dirige aussi l’Institut Michel Serres, qui entend penser l’avenir des biens communs et des ressources.
Ce biologiste propose de tourner radicalement le dos au concept de performance, en s’inspirant de la nature. Parce que non, la nature n’est pas performante. Elle n’est pas cet espace d’excellence, où s’opérerait la « sélection naturelle ». La nature n’est ni efficace (elle n’a pas d’objectif) ni efficiente (elle gâche énormément de ressources). C’est même tout l’inverse. Ses caractéristiques, ce sont plutôt la redondance, la répétition, le gaspillage, la perte de temps, la sous-optimisation. Et c’est ce qui la rend « robuste », autrement dit « capable de rester stable dans un monde fluctuant ». Pour Olivier Hamant, c’est une excellente nouvelle, dont nous devrions nous inspirer. Car le monde n’a pas fini de tanguer.
Médor a lu Olivier Hamant (La troisième voie du vivant et Antidote au culte de la performance) et a décliné sa pensée dans l’« Appel pour un journalisme robuste » (à lire en accès libre sur medor.coop/appel) Puis la rédaction a voulu approfondir avec le biologiste ce concept dans le domaine des médias, et plus largement de la politique et de la démocratie. Alors on a discuté, re-discuté et re-re-discuté (une histoire de redondance…).
Aujourd’hui, vous dites que la performance nous tue. Qu’elle est devenue une addiction…
Prenez l’agriculture. On a augmenté la performance de la terre quasiment depuis le Néolithique. Dans un monde stable, nous avons exploité les écosystèmes pour augmenter les rendements agricoles. Cette stratégie a remporté des succès, comme la réduction de la famine dans le monde.
Mais quand vous voyez le mot optimiser quelque part, il faut vous demander : « Qu’est-ce que je fragilise ? » Car les ressources ne sont pas inépuisables.
Ce système a généré des dégradations plurielles : effondrement de la biodiversité, pollution, imperméabilisation des sols, etc. Et aujourd’hui, notre addiction à la performance menace la viabilité de l’humanité sur terre. En 2023, la surface des océans s’est réchauffée dix fois plus vite que les années précédentes. En 30 ans en Europe, on a perdu 80 % des insectes en termes de biomasse. C’est d’une violence incroyable. Aujourd’hui, tous les animaux sur terre ont des nanoplastiques dans le sang. Y compris en Antarctique ou en Amazonie. Ça, c’est le produit de notre performance.
Inutile de faire une liste à la Prévert. La seule certitude des rapports du GIEC et autres groupes d’experts, c’est que l’on entre dans une période où les perturbations seront toujours plus grandes. La première question à se poser, c’est celle-là : comment habiter un monde fluctuant ? Par la robustesse.
Quand vous voulez expliquer votre concept de « robustesse », vous aimez bien commencer en parlant de baleines ou de plantes.
Oui. Tout simplement parce que mon …