Une nuit sans fin
Le parcours d’Ibrahim. Sans-papiers condamné à une double peine.
Ibrahim est un rescapé, le survivant d’un système injuste pour les sans-papiers internés. Diagnostiqué dangereux et malade mental, il a été enfermé en Belgique pour être soigné. Son retour à la liberté fut un calvaire. Médor vous raconte son histoire en six chapitres.
Chapitre I :
« J’ai été interné. Je ne savais pas ce que c’était »
Nous nous sommes rencontrés en septembre 2021 à Bierset, dans le centre Croix-Rouge « Carda », ce lieu d’accueil un peu spécial qui a pour mission d’offrir une piste thérapeutique aux demandeurs d’asile en souffrance mentale. Ibrahim nous attend dans la cour. Grand, balaise, barbu et à la chevelure brune et bouclée, il nous serre la main avec timidité. Une éducatrice du centre nous installe à l’écart, dans un petit bureau pour que je puisse l’écouter dans un climat de confiance.
Ibrahim respire un bon coup et se lance dans son récit sans trop de difficulté : « J’avais 16 ans quand je suis arrivé en Belgique. Aujourd’hui j’en ai 31. J’ai quitté mon pays pour fuir la pauvreté. Au Maroc, j’ai passé mon enfance à conduire les moutons, à vendre de l’eau et des œufs pour acheter de quoi nourrir ma maman, mes frères, mes sœurs et moi. C’était loin d’être suffisant. À 16 ans, je suis parti pour Tanger avec l’objectif de rejoindre l’Europe. Je voulais trouver un travail, gagner de l’argent et l’envoyer à ma maman. Je me suis caché dans une remorque de camion jusqu’à la ville portuaire, puis dans un bateau qui transportait des tomates pour passer la frontière. Une fois sur le sol espagnol, à Cadix, j’ai marché trois cents kilomètres vers l’est pour rejoindre la ville de Nerja, une cité balnéaire située en Andalousie, sur la Costa del Sol. De là, j’ai pris un …