Agnès, travailleuse adaptée
Prenez un généreux modèle d’insertion sociale des personnes en situation de handicap : les entreprises de travail adapté. Puis confiez ce modèle à l’économie de marché. Cadence, production, flexibilité… « En fait, on a l’impression que c’est nous qui devons nous adapter au travail », témoigne Agnès.
Illustration musicale par Point Culture
Il y a toujours un bruit de fond dans la vie d’Agnès. Ce bruit, ce n’est pas le vrombissement de la chaîne de production industrielle où défilent, devant elle, les milliers de produits cosmétiques qu’elle devra emballer aujourd’hui. Ce n’est pas non plus l’agitation des quinze ouvriers répartis de part et d’autre de la machine à ses côtés. Ni le vacarme des cinq autres lignes de production en rangs dans l’entrepôt.
Non, le bruit de fond dans la vie d’Agnès, c’est la douleur. Une douleur assourdissante, logée entre ses articulations, qui court sous ses muscles et engourdit les paumes de ses mains. Agnès a 46 ans. Depuis ses 27 ans, elle est sujette au syndrome du canal carpien, un fourmillement qui irradie dans ses mains et limite sa dextérité. Depuis quasiment autant de temps, elle souffre aussi de fibromyalgie, de douleurs chroniques aux genoux, dans le dos et le cou. Des handicaps invisibles. « La douleur fait partie de moi », dit-elle.
Paradoxalement, c’est cette douleur qui l’a amenée ici, à emballer 80 000 rouges à lèvres en une journée. Depuis maintenant sept ans, Agnès s’active derrière sa chaîne aux Ateliers du Saupont, une « entreprise de travail adapté » (ETA). Sociétés à finalité sociale ou asbl, les ETA bénéficient de subsides régionaux pour réaliser leur mission sociale : assurer l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap, dans un cadre épanouissant. En …