Le combat de la mode, c’est d’être prise au sérieux
Entretien avec Francine Pairon
Textes (CC BY-NC-ND) : Jehanne Bergé & Céline Gautier
Textes et photos (CC BY-NC-ND) : Lydie Nesvadba
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En 1986, Sandra Kim gagne l’Eurovision, les Diables rouges sont en demi-finale à Mexico et Francine Pairon crée à Bruxelles La Cambre Mode/s/, qui deviendra l’une des plus prestigieuses écoles de mode d’Europe. Elle dirige ensuite un master en création au très prisé Institut français de la mode (IFM) à Paris. À ses étudiants, elle répète la phrase de l’artiste Joseph Noiret : « La rupture est création, nous dormirons plus tard. » Pendant des années, elle bouscule les futurs créateurs, les empêche de s’assoupir sur leurs fringues et forge une pédagogie unique, basée sur le travail pratique, l’expression de la personnalité de l’étudiant et la franchise de l’enseignant. Aujourd’hui, à 71 ans, Francine Pairon s’est mise au solfège, se passionne pour l’écrit et change ses meubles de place chaque fois qu’elle passe l’aspirateur. Peu importe la manière, pourvu que la créativité s’exprime.
Médor : Francine, on te tutoie. On s’est déjà croisées dans la vraie vie. Maintenant que c’est dit, peux-tu nous raconter les années 1980, à tes débuts, et le lancement par le gouvernement Martens du plan Textile (un plan quinquennal reconduit une fois), pour sauver l’industrie du textile et de l’habillement (100 000 à 120 000 emplois menacés) ?
Francine Pairon : À l’époque, toutes les usines textiles étaient en train de fermer. On avait un très bon savoir-faire, mais il n’y avait aucune connexion entre les créateurs et l’industrie. L’Institut du textile et de la confection de Belgique (ITCB) est créé en 1980. Ils se sont dit : c’est bien de subventionner l’industrie, mais, si elle n’a pas une image créative, ça n’a aucun sens. Des concours ont été créés, ils ont payé des stands dans des salons, ils ont offert aux entreprises les services de créateurs ou aux marques pas très créatives l’image d’un styliste en vue. Et tout ça apparaissait dans un gros magazine, Mode, c’est belge, qui coûtait l’équivalent de deux euros et avait développé une première campagne autour du thème « Nul n’est prophète en son pays ».
Cela n’a malheureusement pas suffi à sauver le secteur…
En effet. Ça restait très difficile et coûteux de produire …