Notre écriture manuscrite révélerait des traits de notre personnalité. Mais, dans les apprentissages collectifs, la manière dont nous traçons les Q ou des R disent-ils encore quelque chose de notre identité collective ?
Écrit-on belge ? Pour le savoir, il faut aller en première primaire. Madame Jennifer trace des B majuscules tout en boucles et des Q comme on n’en a pas vu depuis les années 80. « D’où vient cet alphabet, Madame Jennifer ? » – « Je n’en sais rien. C’est celui qu’on a toujours utilisé dans cette école. »
La question n’est pas si idiote qu’elle ne paraît. En France, le ministère de l’Éducation nationale a mis à la disposition des enseignants deux polices de caractères cursives (écriture manuscrite avec les lettres attachées) en format numérique. Elles sont censées les aider à « apprendre à leurs élèves une écriture lisible, harmonieuse, rapide et bien adaptée aux instruments et supports contemporains ». Il y a aussi un argument culturel : écrire « à la française », comme manger du camembert, c’est « un choix identitaire ». Un modèle commun, rappelle le ministère, « participe à la cohésion d’un groupe culturel ». Charlemagne avait, d’ailleurs, lui aussi pensé à imposer son alphabet.
De son côté, la Communauté française de Belgique n’a pas jugé bon de faire écrire nos enfants en traits bruxello-wallons. Elle n’impose ni ne suggère aucun alphabet de référence – pas plus que la Communauté flamande. C’est l’usage qui fait la norme, transmise via les manuels scolaires. Laurence Grosfils, professeure d’arts plastiques à la Haute École Léonard De Vinci, enseigne aux futurs profs de primaire l’art de tracer de belles lettres. « Je vois des écoles qui écrivent plus …