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Recyclage : chirurgie plastique

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Jerry Leibowitz (1970), collection Michael Lellouche. Tous droits réservés.

En Belgique, neuf emballages ménagers sur dix seraient recyclés, claironne Fost Plus, l’organisme privé qui gère le recyclage de ces déchets. Jetez en paix ! Ou pas. Médor a remonté la filière du recyclage. Résultat : les statistiques officielles sont gonflées au botox.

Seraing, rue de l’Environnement. Un cortège de camions-poubelle défile entre les usines abandonnées d’Arcelor Mittal. Sur le parking de Sitel, un des onze centres où sont triés les sacs PMC en Belgique, des cubes de bouteilles et de canettes compactées s’empilent par montagnes à la façon d’une œuvre d’art monumentale qui aurait été conçue pour nous faire méditer sur les dérives de la société de consommation. « Quand il y a un rayon de soleil, les bouteilles brillent. On a souvent des photographes qui nous contactent pour une visite », s’amuse le directeur, Laurent Marchal.

La chaîne de tri démarre dans un fracas qui fait s’envoler les corneilles réfugiées dans le hangar. Les sacs bleus sont avalés et déchirés à vive allure avant de passer dans un tamis qui crache les petites pièces destinées à l’incinération. « Les trier à la main serait un travail de titan », regrette Laurent Marchal en pointant un tas d’éclats qui s’est formé au pied de la trémie. Les déchets cheminent ensuite sur plusieurs étages dans un labyrinthe de tapis roulants. Des souffleries balaient les lambeaux de sacs bleus, des aimants puissants attirent les métaux, des machines optiques orientent les emballages en fonction des couleurs et des matières identifiées.

Hommes et machines triment de concert, chacun vérifiant le travail de l’autre encore et encore pour obtenir les matériaux les plus purs. Les erreurs sont inévitables. Le centre emploie treize trieurs qui accomplissent chacun près de 2 000 gestes par heure. C’est un travail pénible. Le mouvement monotone du tapis roulant peut donner la nausée. Entre 15 et 25 % du contenu des sacs est éliminé lors de cette étape. Les sacs bleus permettent de collecter les bouteilles et les flacons en plastique de type PET et HDPE, les canettes, les conserves, les cartons de boissons.

Mais les consommateurs y jettent aussi beaucoup de pots de yaourt, de barquettes ou des objets plus incongrus : langes, fers à repasser… D’ici à 2021, la collecte doit être élargie à l’ensemble des emballages plastiques sur tout le territoire belge, comme cela a déjà commencé dans certaines communes. Un fameux défi pour Sitel, qui a prévu d’investir 25 millions d’euros dans une chaîne de tri flambant neuve. À la sortie, nous croisons une contrôleuse de Fost Plus, venue vérifier si des emballages recyclables ne se trouvent pas dans les résidus destinés à l’incinération. Ou, inversement, si des déchets non voulus ne se sont pas glissés dans les balles qui seront vendues aux recycleurs. Le centre se verra infliger une pénalité pour les erreurs commises au-delà d’un certain seuil. Les exigences en Belgique sont particulièrement élevées. « Mais les entreprises ne nous facilitent pas le travail », déplore le directeur du centre de tri, en prenant l’exemple d’une de ces bouteilles d’eau dont les stries préformatées invitent le consommateur à l’aplatir d’un coup de pied vigoureux pour gagner de la place dans la poubelle. Il râle. « Les bouteilles devraient être aplaties dans le sens de la longueur et non de la hauteur, sinon elles roulent et les machines optiques peinent à les repérer. »

Ketchup destructeur

« Dans les entreprises, on dit que le bureau du directeur marketing doit être près de la direction, mais celui du responsable environnement devrait être un peu plus près des poubelles », peste Cédric Sleegers, directeur adjoint de Go4Circle. Cette fédération d’entreprises « qui placent l’économie circulaire au cœur de leur fonctionnement » a récemment publié une étude qui recense les nombreux problèmes techniques rencontrés dans les centres de tri, mais aussi lors de l’étape suivante, celle du recyclage, à cause d’une mauvaise conception des emballages. Au moins 26 000 tonnes de déchets se révèlent problématiques, affirme Go4Circle. Récemment, une nouvelle sorte de plastique, le PET opaque, est apparu sur le marché. Ce plastique léger, économique et qui offre une vaste palette de couleurs possibles séduit l’industrie, mais s’avère aussi très difficile à recycler. « On commence doucement à le voir arriver en Belgique dans les produits d’entretien, mais en France presque toutes les bouteilles de lait sont aujourd’hui en PET opaque », s’inquiète le responsable de la fédération de recycleurs Go4Circle.

Les problèmes d’écoconception peuvent résulter de choix économiques ou de contraintes liées à la conservation. Par exemple, la bouteille de ketchup Heinz contient, pour absorber l’acidité de la tomate, un additif particulièrement redouté des recycleurs. « On doit toutes les enlever, car, si une seule bouteille se retrouve au recyclage, elle suffit à jaunir l’ensemble du plastique », s’alarme Cédric Sleegers. Souvent, c’est aussi le marketing qui pousse l’industrie à mettre de tels emballages sur le marché. Dernièrement, une canette dont le corps est en plastique transparent et le couvercle en aluminium est arrivée dans les frigos des supermarchés. « C’est techniquement et économiquement impossible de les séparer. Même s’il s’agit de deux matériaux recyclables, on ne sait strictement rien faire avec ça. C’est un beau produit, mais ce genre d’emballage devrait tout simplement être interdit. »

La « responsabilité élargie du producteur », principe inscrit dans la législation européenne et nationale, oblige les entreprises à financer et à organiser la collecte et le recyclage des déchets qu’elles engendrent. Dans la pratique, ces missions sont déléguées à des « éco-organismes » qui représentent leur secteur : Recupel pour les déchets électroniques, Bebat pour les piles, Val-I-Pac pour les emballages industriels, Fost Plus pour les emballages ménagers, etc. La Commission interrégionale de l’emballage (CIE), administration qui regroupe les trois Régions du pays, contrôle et fixe les objectifs à atteindre pour ces deux derniers organismes. Le logo Point vert, souvent compris à tort par les consommateurs comme le symbole qu’un emballage est recyclable, signifie uniquement que l’entreprise s’est acquittée de sa contribution à Fost Plus. Suivant le nouvel agrément fixé avec la CIE, cette taxe sera plus élevée pour les emballages problématiques. « Mais est-ce que quelques centimes de plus sur un emballage suffiront à changer la politique marketing de multinationales ? D’autant plus que le prix du plastique dépend aussi d’autres paramètres, comme le coût du pétrole », s’interroge, dubitatif, Etienne Offergeld, vice-président de la fédération des intercommunales wallonnes de gestion des déchets (Copidec).

Un stuuût dans l’équation

En 2017, les Belges ont recyclé 698 000 tonnes d’emballages ménagers, dont 87 989 tonnes de plastique. Avec un taux de recyclage de 89,1 %, « la Belgique confirme son statut de leader européen », se félicite Fost Plus dans ses communiqués de presse. Une fois n’est pas coutume, la petite taille du pays a été un atout pour décrocher sa place sur le podium. Grâce à son territoire dense, la Belgique a pu très tôt mettre en place un système assez efficace de collecte sélective en porte-à-porte.

Le taux de recyclage des emballages ménagers est une moyenne pour le verre, les métaux, le carton et les plastiques. Pour les bouteilles et flacons en plastique, le taux annoncé par Fost Plus est de 82,9 %. Mais comment peut-on affirmer recycler plus de 8 bouteilles sur 10 et, dans le même temps, retrouver autant de ces bouteilles jetées dans les sacs-poubelle destinés aux déchets non triés ou dans la nature ? C’est la question que s’est posée Rob Buurman, directeur de l’organisation environnementale Recycling Netwerk, en épluchant les études réalisées par l’Office flamand du déchet (OVAM) et la province de Limbourg. Pour cet expert, les chiffres de Fost Plus sont faux. Selon ses estimations, en Flandre, 9 150 à 9 760 tonnes de bouteilles en PET se sont retrouvées dans les sacs non triés en 2014, soit 28,6 à 30,5 % des bouteilles mises sur le marché. À quoi s’ajoutent 1 371 à 2 680 tonnes de bouteilles en plastique jetées dans la nature flamande. Au total, Rob Buurman estime que 61,2 % à 67,2 % seulement des bouteilles seraient collectées !

Une étude récente menée par Recover, un groupe qui réunit onze intercommunales flamandes, la Ville d’Anvers, des chercheurs des universités de Hasselt, d’Anvers et de la KULeuven, arrive aux mêmes conclusions avec une méthode de calcul différen­te : à peine une bouteille en plastique sur deux serait vraiment recyclée, selon eux, et moins d’un emballage sur quatre si on considère l’ensemble des contenants plastiques mis sur le marché (soit un taux de 23,9 % contre 41,3 % selon Fost Plus). Par ailleurs, ces auteurs évaluent le taux de recyclage à 95,3 % pour le verre, 71,5 % pour le papier et 50,3 % pour les canettes en métal.

Taux trompeurs

Pour calculer le taux de recyclage, Fost Plus divise le nombre de tonnes d’emballages mises sur le marché par ses membres avec le nombre de tonnes collectées. Mais toutes les entreprises ne déclarent pas leurs déchets. Dans son rapport annuel, l’asbl estime elle-même que le taux de recyclage général passerait de 89,1 % à 82,2 % si on tenait compte des contrevenants. Une réduc­tion qui n’est certainement pas surestimée si on prend en considération le développement de l’e-commerce, un secteur où les resquilleurs sont nombreux. Sur l’ensemble des sociétés qui vendent des produits en ligne sur le territoire belge, seules 75 entreprises paient leur dû pour financer le recyclage. Si la Commission interrégionale de l’emballage peut constater ces infractions, elle n’a pas le pouvoir de poursuivre ces entreprises qui ne sont pas installées sur le sol belge. Or celles-ci génèrent un nombre important de déchets puisque les marchandises ne sont plus emballées collectivement vers un commerçant, mais individuellement pour chaque client.

L’estimation des emballages mis sur le marché belge ne prend pas non plus en compte les achats effectués à l’étranger. Les bouteilles ramenées lors d’un séjour en Champagne et les caisses de vin blanc d’un week-end en Allemagne viennent gonfler les résultats du verre collecté à la bulle sans avoir été prises en compte dans le numérateur de la fraction. Idem, dans une moindre mesure, avec les autres boissons. Preuve par l’absurde du biais entraîné par cette méthode de calcul : le taux de recyclage annoncé par Fost Plus pour les canettes est de 102,6 % et grimpe jusqu’à 114 % pour le verre !

Pour calculer le nombre de tonnes d’emballages collectés, Fost Plus pèse les matériaux à la sortie du centre de tri. Mais d’autres pertes interviennent après cette première étape : les étiquettes et les fonds de bouteilles qui sont éliminés pendant le processus de recyclage. S’appuyant sur des études menées au niveau européen, Recover estime que, dans le cas d’un matériau léger comme le plastique, les restes de liquide contribuent à gonfler de presque 30 % le poids de ce qui entre chez le recycleur. La législation européenne, qui fixe des objectifs minimaux de recyclage à atteindre pour les États membres, doit être modifiée pour imposer un point de mesure à la sortie des usines. En attendant, ce que Fost Plus qualifie de taux de recyclage n’est, au mieux, qu’un simple taux de collecte.

Consigne vs sacs bleus

Le nombre d’emballages non déclarés, le volume d’achats réalisés à l’étranger et les pertes pendant le recyclage restent autant de données difficiles à quantifier et sujets à débat. Une certitude : le taux de recyclage affiché par Fost Plus, asbl administrée par des représentants du monde de l’entreprise (Danone, Unilever, Inbev, L’Oréal, Total, Coca-Cola, Ikea, Carrefour, etc.), est impossible à atteindre du simple fait de l’existence de ces phénomènes. L’organisme n’a pas souhaité faire de commentaires publics à ce propos.

« Les intérêts des entreprises et du monde politique convergent pour afficher de bons taux de recyclage et personne n’a intérêt à les remettre en cause », regrette Rob Buurman, le directeur de Recycling Netwerk. « Fost Plus respecte les normes européennes pour calculer les taux de recyclage, mais les résultats affichés ne donnent aucune idée aux consommateurs du coût environnemental réel des emballages », complète Loes Weemaels, coordinatrice de l’étude commandée par les intercommunales flamandes.

La présence de déchets sauvages dans la nature et l’espace public est une charge importante pour les collectivités locales. Le sujet est sensible. Malgré des déclarations politiques en faveur de la mise en place d’une consigne sur les bouteilles en plastique et les canettes en Flandre et en Wallonie, la décision semble sans cesse reportée aux calendes grecques. La Fédération de l’industrie alimentaire (Févia), celle du commerce (Coméos) et Fost Plus s’y opposent, arguant que ce système de collecte coûteux risquerait de compromettre celui des sacs bleus qui a fait ses preuves. Afin de prouver leur volonté de lutter contre les déchets sauvages, ces acteurs ont financé des partenariats avec les trois Régions du pays comprenant des campagnes de sensibilisation et des journées de nettoyage avec les citoyens. En Flandre, où le débat sur la consigne est particulièrement virulent, l’argent des entreprises sert aussi directement à payer le salaire de plusieurs fonctionnaires de l’administration des déchets (OVAM), comme l’a révélé le quotidien De Standaard. « Cet argent achète de l’influence », dénonce le directeur de Recycling Netwerk Rob Buurman. Œil pour œil, Fost Plus, la Févia et Coméos rétorquent par communiqué de presse que l’ONG perçoit un soutien financier de Tomra, un fabricant de machines à consigne.

Déchets voyageurs

L’été 2017, la Chine annonçait devant l’Organisation mondiale du commerce sa décision de fermer ses frontières aux « Yang Laji » : les déchets étrangers. En même temps que la sortie de documentaires comme « Plastic China » montrant des familles vivant et travaillant dans les immondices avec leurs enfants, les consommateurs européens découvraient avec stupéfaction que le contenu de leurs poubelles pouvait se balader en cargo à l’autre bout du monde. Aujourd’hui, ces déchets prennent la route de l’Asie du Sud-Est et de l’Est de l’Europe, où les conditions sociales et environnementales de leur traitement ne sont pas mieux garanties.

Tous les plastiques ne sont pas à mettre dans le même sac. Plus les déchets collectés sont propres, plus ils ont de la valeur et trouvent des acquéreurs sérieux. Ce n’est pas le cas, en revanche, des conteneurs mal triés qui nécessitent un traitement fastidieux à la main ou de certains types de plastiques, comme les films colorés, dont la qualité est si faible qu’il faut rétribuer le recycleur pour les prendre. Plutôt que de payer pour stocker ou traiter ces déchets, des sociétés mafieuses les feraient alors « disparaître » dans la nature. Ainsi, en Pologne, pays qui compte par ailleurs des installations de recyclage de qualité, une soixantaine d’incendies d’origine suspecte ont embrasé des décharges depuis la fermeture du marché chinois.

Si le taux de recyclage à la belge est surfait, notre petit royaume n’a cependant pas tout à fait usurpé sa réputation de bon élève. Les balles de plastique qui sortent de nos centres de tri sont réputées pour leur pureté et une attention importante est accordée au recyclage de proximité : 78 % des emballages ménagers sont recyclés en Belgique, le reste part essentiellement en France, en Allemagne, aux Pays-Bas.

Mais, à côté des déchets des ménages, la Belgique produit aussi presque 100 000 tonnes de déchets d’emballages industriels en plastique par an. Pour l’essentiel, il s’agit de palettes et de films qui sont collectés auprès des entreprises par des sociétés privées concurrentes, qui les vendent ensuite à des recycleurs via des traders. Ces collecteurs reçoivent ensuite une attestation de recyclage délivrée par Val-I-Pac, l’équivalent industriel de Fost Plus. Pendant plusieurs mois, la Commission interrégionale de l’emballage (CIE) a suivi la piste de ce plastique. Jusqu’au dernier trimestre de 2017, les films partaient exclusivement vers la Chine. « Ça, c’était la bonne nouvelle. En Chine, les recycleurs sont contrôlés régulièrement par les autorités », confie le directeur de la CIE, Marc Adams. Dorénavant, ces déchets sont exportés en Inde, en Malaisie, au Vietnam, dans les pays Baltes et en Pologne. À la suite de cette enquête, la Commission de l’emballage a refusé les preuves de recyclage pour 16 000 tonnes d’emballages industriels en 2017, faisant chuter leur taux de recyclage à 54,4 %. « Cela ne signifie pas que ces déchets n’ont pas été recyclés dans les faits, mais que l’on n’a pas pu le prouver ni vérifier les conditions dans lesquelles ils ont été recyclés », nuance Marc Adams. Contrairement à Fost Plus, Val-I-Pac n’est pas propriétaire des déchets collectés, ce qui rend leur traçage complexe, commente la responsable communication Ingrid Bouchez. « Nous préparons une charte avec nos partenaires européens pour inciter les collecteurs à travailler avec des recycleurs qui fournissent des garanties sociales et environnementales », ajoute-t-elle.

Avec l’extension du sac bleu, Fost Plus se confrontera aux mêmes défis, à la fois pour continuer à pouvoir fournir un plastique propre, mais aussi afin de développer des capacités de recyclage suffisantes en Europe pour reconvertir ces films qui, aujourd’hui, trouvent difficilement preneurs.

Le mirage du recyclage

Selon les chiffres communiqués par Fost Plus, 25 % du plastique collecté via le sac bleu est recyclé dans de nouvelles bouteil­les. Les trois quarts restants trouvent une seconde vie dans des barquettes alimentaires, des bandes pour cercler les palettes, des fibres textiles. Nos déchets ne seraient-ils in fine que des ressources en devenir ? Ce serait oublier un peu vite que le plastique est une molécule complexe perdant un peu plus de ses qualités et de sa valeur marchande à chaque cycle.

« Le recyclage n’existe pas, assène Etienne Offergeld, de la fédération des intercommunales de gestion des déchets. Tout ce qu’on fait, c’est transformer des produits en d’autres ayant une durée de vie plus longue. Une bouteille peut devenir un gilet polaire qui terminera à la poubelle après avoir perdu ses fibres plastiques dans la machine à laver. Un sac qui a vécu deux jours va devenir un seau qui tiendra deux ans et peut-être un tuyau qui en tiendra quarante. »

Contrairement au verre et au métal qui peuvent être recyclés en boucle, ou au papier, qui se dégrade après quelques cycles mais peut retourner à l’état naturel, le nombre de vies du plastique est limité, souligne la Française Nathalie Gontard, directrice de recherche dans l’unité ingénierie des agropolymères à l’Institut national de recherches agronomiques. « Le bouteille-à- ­bouteille (le fait de produire une nouvelle bouteille à partir d’une bouteille usagée, NDLR) est ce qui se rapproche le plus du recyclage, mais, même dans ce cas, le plastique se dégrade et il faut le repolymériser en ajoutant du plastique vierge, ce qui n’est possible que deux ou trois fois. » Il existe aujourd’hui des projets de recyclage chimique qui permettraient de revenir au polymère d’origine, salue la scientifique. « Mais il y a encore beaucoup de problèmes dans le processus, sans compter que c’est polluant et énergivore. »

Pour la scientifique française, nous sommes assis sur une bombe à retardement. La production annuelle de plastique dans le monde dépasse les 320 millions de tonnes par an et continue d’augmenter. Soit ce plastique terminera un jour sa vie dans un incinérateur, venant contribuer ainsi au réchauffement climatique et à la pollution de l’air, soit il se retrouvera dans la nature où il se dégradera lentement avant de libérer ses nanoparticules dangereuses. Ces particules invisibles, dont on ne mesure pas encore tous les effets sur la santé, ont la caractéristique de pénétrer en profondeur dans les organes après avoir absorbé d’autres polluants qu’elles rencontrent sur leur chemin. Inventé dans les années 60, le plastique met en moyenne 100 à 200 ans à se dégrader. Le compte à rebours est lancé. L’automne dernier, la RTBF a dénoncé dans une enquête documentée l’impact sur la santé et l’environnement des pelouses de foot synthétiques fabriquées à partir de pneus recyclés. Un avant-goût de ce qui nous pend au nez.

Si les efforts en matière de recyclage doivent être poursuivis, le succès du mouvement zéro déchet rappelle à juste titre que recycler n’est que la dernière solution bien après la réduction des déchets. « Même si les entreprises ont pris conscience des enjeux environnementaux, elles ont aussi des intérêts économiques à défendre, commente Nathalie Gontard. On a ajouté une boucle industrielle, celle du recyclage, au parcours consumériste du plastique pour continuer à faire le business comme avant. » Et l’écocitoyen se désencombre ainsi de sa responsabilité dans la production de son déchet en le jetant dans la bonne poubelle.

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