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La base polaire belge en Antarctique est fermée. Rouvrira-t-elle ?

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La porte de la station polaire belge en Antarctique vient d’être fermée. Depuis début mars, la base princesse Élisabeth est plongée dans le noir, le temps d’un long hiver austral. Et personne ne sait qui la rouvrira fin octobre pour la nouvelle saison, ni dans quelle optique. L’État belge, qui vient encore de se faire condamner, est en train de gâcher un joujou technologique coûteux et de priver les scientifiques d’un outil de recherche de pointe. 

Médor s’est plongé en profondeur dans ce volumineux dossier où chacun se rejette la responsabilité de l’échec de la station polaire. Plus de 20 interlocuteurs ont été contactés ou rencontrés, dans tous les camps : celui de l’explorateur Alain Hubert et de sa Fondation polaire internationale, celui de l’État belge et du service de la Politique scientifique, celui des chercheurs eux-mêmes, et de nombreuses autres personnes qui gravitent autour, avocats, magistrats, politiques, passionnés de l’Antarctique…

Depuis la rédaction de notre enquête, la situation s’est encore dégradée :

  • L’État s’est à nouveau fait condamner, le 3 mars, à devoir payer des astreintes s’il ne nomme pas les membres du Conseil stratégique.
  • La secrétaire d’État à la politique scientifique, Elke Sleurs (N-VA) a quitté sa fonction.
  • Le gouvernement belge a également décidé d’envoyer 8 personnes sur place pour une « visite d’observation » d’un jour, pour un coût de 300 000 €.
  • Et Médor peut ajouter qu’un curieux projet de loi est en discussion à la Chambre. Signé par Elke Sleurs, Marie-Christine Marghem (MR-Environnement) et Didier Reynders (MR-Affaires étrangères), il prévoit de mettre à jour le permis d’environnement indispensable pour se rendre en Antarctique. Une tentative de couper l’herbe sous le pied à l’explorateur Alain Hubert, afin qu’il ne puisse plus se rendre à la base polaire. Pour la saison 2016-17, c’est avec un permis de Marghem qu’il s’y était rendu, contre l’avis du gouvernement fédéral.

UN BIDE INTERNATIONAL !

Alors que la Belgique voulait, grâce à cette base polaire, poursuivre ses efforts en matière de recherche pour le climat entrepris il y a plus d’un siècle – les Belges ont réalisé le premier hivernage en Antarctique en 1898-99 ! –, elle offre désormais une image déplorable au niveau international. Aucun scientifique belge ne s’est rendu cette saison mener des recherches dans la station princesse Élisabeth. Pire : « pour 2016-2017, il semble que plusieurs scientifiques se soient vu notifier l’interdiction de nouer tout contact avec la Fondation polaire (IPF), présente à la station, alors que des données pourraient être récoltées sur place pour poursuivre des projets de recherche. Cette interdiction proviendrait de l’administration, et de sa ministre de tutelle, dans le but d’empêcher que la mission de l’IPF soit considérée comme un succès », commente le député Marcel Cheron (Ecolo) en vue d’une interpellation parlementaire.

Le partenariat public – privé, signé entre l’État belge et la Fondation polaire internationale d’Alain Hubert, est dans l’impossibilité de gérer ces missions. L’État ne veut plus travailler avec ce partenaire privé. Mais toutes les lois et conventions l’imposent. Pour l’évacuer, il faudrait tout réorganiser… et indemniser l’explorateur et sa fondation. Médor en explique les détails dans son enquête.

Contourner la Fondation polaire, c’est ce qu’a maladroitement essayé de faire la secrétaire d’Etat Elke Sleurs (N-VA). En reprenant, curieusement, une idée de son prédécesseur, le socialiste francophone Philippe Courard : créer une AISBL (ASBL internationale) pour permettre à d’autres prestataires privés de gérer les missions scientifiques en Antarctique. Une nouvelle entreprise privée, AntarctiQ, s’est d’ailleurs constituée sur mesure, pour répondre à un appel d’offre de l’État. Elle est constituée d’anciens membres devenus dissidents de l’équipe Hubert. Durant son court mandat, Sleurs a multiplié les dépenses et les initiatives spontanées qui lui ont valu plusieurs échecs : la justice lui a donné tort pratiquement sur toute la ligne.

Les choses ne seront cependant pas simples, car 17 plaintes en justice sont venues pourrir ce dossier, ne permettant pas une issue sereine. Il faudrait alors un acte fort du gouvernement, pour défendre la recherche scientifique fédérale en Antarctique. Un acte difficilement envisageable avec l’approche des nationalistes flamands dont l’ambition est plutôt de régionaliser la recherche. Louis Michel avait été le premier supporter d’Alain Hubert quand il a lancé, en 2004, l’idée de créer une nouvelle base belge en Antarctique. Son fils Charles, au poste de Premier ministre, ne semble pas prêt à bouger un petit doigt pour forcer une sortie de crise.

En lisant notre enquête dans Médor vous disposerez des éléments pour comprendre la situation dans son ensemble, dans sa complexité, dans une perspective historique. Une vision globale, prospective aussi, qui devrait vous aider à prendre du recul pour entrevoir quel serait la meilleure issue pour la station belge en Antarctique.

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