12min

S’imposer l’espoir

Entretien avec Valérie Cordy

Faut-il aimer ou détester Google et ChatGPT ? Pour Valérie Cordy, ce n’est pas la question : ces technologies existent, nous envahissent et même, parfois, nous transforment en zombies. Alors, dominons-les et jouons-en. Dans son dernier spectacle, État du monde, la metteuse en scène et artiste franco-belge surfe sur Google ou dialogue avec une intelligence artificielle, seule sur scène, avec son écran projeté derrière en grand.

Miroir de nos errances numériques, ses recherches nous font passer du sérieux au dérisoire, d’une information essentielle (la destruction de Gaza) à un mème pathétique (« J’ai pris un antidépresseur à la place d’un antidouleur, j’ai toujours mal, mais je m’en fous »). Un récit singulier est tissé, tandis que surgissent sur scène, en chair et en os, telles des vidéos YouTube qu’on n’avait pas prévu de regarder, un groupe de jeunes filles adeptes du moonwalk, une fanfare d’ados ou l’épidémiologiste Marius Gilbert assis dans un kayak.

Valérie Cordy présente une vision à la fois joyeuse et critique de notre monde et de nos usages des technologies. Pour celle qui est également directrice d’un lieu culturel, la Fabrique de théâtre à Frameries, les récits font partie des « soins » de l’humanité. Car seule l’imagination a le pouvoir de redessiner le monde, et de nous rendre l’espoir.

Valerie_Cordy-2
Valentine Jamis. Tous droits réservés
Médor :

La technologie et ses outils ont toujours fait partie de votre pratique artistique. Là où d’autres boycottent les GAFAM, vous, vous les intégrez sur scène. Pourquoi ?

Valérie Cordy :

J’utilise les outils, mais je remets surtout en question leurs usages. Le philosophe Peter Sloterdijk[f45062] dit qu’il faut se saisir de la technologie avant qu’elle ne nous saisisse. À ma manière, je tente de me saisir des technologies qui existent pour qu’elles ne me saisissent pas. Évidemment, je défends les logiciels libres, mais ce n’est pas ce qui est le plus utilisé par les gens. Comme un jeu de miroir, je joue avec les outils que le public connaît (Google, ChatGPT, YouTube…) et je les détourne en direct sur scène.

Médor :

Peut-on imaginer se passer complètement de ces outils ?

Valérie Cordy :

On l’oublie parfois en Occident, mais dans d’autres endroits du monde on n’est pas aussi numériquement colonisés qu’ici. En Corée du Sud, par exemple, toutes les applications sont locales. Si vous ne les téléchargez pas, vous êtes isolés. C’est incompréhensible que nous n’ayons pas d’outils européens pour remplacer les Gafam. Alors en attendant un « Bel-gle » et « Bel-ta », j’utilise Google et Meta, quitte à tordre leur utilisation.

Médor :

À la manière des 9 Evenings de New York dans les années 1960, une série de performances qui rassemblaient des artistes et des ingénieurs, vous avez travaillé avec de nombreux chercheurs de différentes disciplines scientifiques. La personne qui a changé votre vie, c’est le philosophe …

Lire, en toute liberté

Cet article semble vous intéresser. Vous pouvez lire la suite à votre aise : c’est un cadeau. Nos contenus doivent être accessibles au plus grand nombre. La période d’essai d’un mois, gratuite et sans engagement, est également faite pour cela. Cependant, nous avons besoin d’être financés pour continuer notre projet. Si vous trouvez notre travail important, n’hésitez pas : abonnez-vous à Médor.

Un journalisme exigeant peut améliorer notre société. Voulez‑vous rejoindre notre projet ?

La communauté Médor, c’est déjà 3616 abonnés et 2088 coopérateurs

Médor ne vous traque pas à travers ses cookies. Il n’en utilise que 3 maximum pour la sécurité et la navigation.
En savoir plus