Partir ou rester ?
Asile

C’est un village dans le village. Il y a vingt ans, le centre Croix-Rouge pour demandeurs d’asile Chantecler prenait ses quartiers à Oignies-en-Thiérache (Viroinval). Depuis, 5 000 personnes sont passées par ce lieu d’accueil. Et quand elles obtiennent un titre de séjour, une question s’impose à elles : s’établir dans ce village de campagne ou tenter sa chance ailleurs ?
Assis sur la banquette arrière de son taxi, Pierrot sent la moiteur de ses paumes posées sur ses genoux. Dans sa rétine se reflète un paysage wallon verdoyant qui le déconcerte un peu. Il a quitté Bruxelles il y a une bonne heure, où un agent du CGRA l’a mis dans un taxi en lui lâchant un « On va te traiter comme un ministre » qu’il a eu du mal à interpréter. Il apprendra plus tard que, d’ordinaire, les demandeurs et demandeuses d’asile rejoignent les centres d’accueil en train.
Le chauffeur semble lui aussi tout ignorer de leur destination. Quand son passager lui demande où ils vont, il répond : « Je ne sais pas. Je ne fais que suivre mon GPS. » Chimay, Couvin, Viroinval… Pierrot se concentre pour fixer ces noms exotiques dans sa mémoire. La voiture roule sur de longs serpents de bitume cabossés par endroits, emprunte des lacets en béton bordés d’arbres. Et puis des murs en grès, des pierres grises et beiges qui recouvrent les façades des maisons. Le trajet dure une éternité, peut-être plus. Au bout d’une route plus étroite que les autres, le taximan met son clignotant et tourne à gauche.
Il se gare sur le parking faisant face à un bâtiment plus large que haut et aux châssis bordeaux. Ça ressemble à une maison, mais en plus grand.
C’était le 2 juin 2022. Pierrot pense alors qu’il en …