L’usine à gaz
Anvers
Illustrations (CC BY-NC-SA) : Margaux Dinam
Textes (CC BY-NC-ND) : Julien Winkel & Cédric Vallet
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C’est la fierté de la majorité anversoise : Ineos, entreprise britannique, compte investir trois milliards d’euros pour bâtir deux usines pétrochimiques sur le port. L’idée : convoyer des tonnes de gaz de schiste américain jusqu’à Anvers, pour le transformer en plastique. Ce projet fou, soutenu à bout de bras par la N-VA, mine les engagements européens de réduction des gaz à effet de serre, jugent ONG et experts du climat. D’un lac aux États-Unis au port d’Anvers, en passant par les Pays-Bas, Médor vous retrace l’histoire déroutante du « Project One ».
Bandana rouge sur la tête. Bras tatoués. Christina DiGiulio fait vibrer sa Harley-Davidson dans les vallons de Pennsylvanie. Elle parcourt le comté de Chester, non loin de Philadelphie, à la recherche des traces de la pollution engendrée par la construction de gazoducs – appelés Mariner East 2 et 2X – par l’entreprise Sunoco, et sa maison mère, Energy Transfer. La jeune femme, surnommée « PK », est une ancienne chimiste de l’armée américaine. « Avec mes bases scientifiques, j’essaye d’outiller les gens pour qu’ils protègent leurs arrières et qu’ils se sentent moins seuls. » Le long des rivières et des zones humides qui zèbrent l’État, elle prélève des échantillons d’eau et de terre. Grâce à son drone, PK filme les déversements accidentels de liquide de forage, les glissements de terrain, les gouffres engendrés par les travaux.
Son terrain de jeu favori, c’est le « Marsh Creek Lake ». Une vaste étendue d’eau au fond d’une vallée douillette, entre les platanes et les érables. Au bord du lac, PK presse son pied sur la terre humide. Une boue grisâtre comme du mastic semble s’extraire des rivages et colle à sa chaussure. « Je suis sûre que c’est de la bentonite, ils ont laissé ça s’écouler dans le lac », mâchonne-t-elle, évoquant cette sorte d’argile industrielle que les constructeurs mélangent à de l’eau et à des additifs chimiques, un cocktail utilisé lors des opérations de forage sous-terrain pour les gazoducs.
Le 10 août 2020, un incident majeur a eu lieu. 30 900 litres de ce fluide de forage se sont …