Bêtes de sexe
À l’ère de l’insémination artificielle et de l’élevage intensif, les bovins peuvent-ils encore rêver de tendresse ? Guy Poirrier, « fermier traditionnel » selon ses termes, gère 240 bêtes. Et leur sexualité.
La voiture dévale le chemin de terre qui sépare les pâturages. Juste avant d’entamer le tournant, elle freine sec. « Je crois que j’ai vu quelque chose », dit Guy Poirrier. Le fermier repart en marche arrière et s’arrête quelques mètres en amont. Dans le champ, huit vaches semblent ruminer paisiblement – rien d’anormal à Roy, village ardennais d’une centaine de maisons encerclé par les champs. Mais à mieux y regarder, l’une des bêtes est nettement plus massive que les autres. Colosse callipyge au cou puissant et aux muscles noueux : il s’agit d’un taureau blanc-bleu belge (BBB). Et ce que Guy vient de remarquer est que le géant colle au train d’une femelle. « Pour arriver à la sauter – enfin “sauter”, tu comprends ce que je veux dire hein, c’est les termes qu’on utilise, précise-t-il –, le taureau traîne presque 24 heures autour de la vache. Ils se suivent, ils se frottent, il la renifle… Ils draguent, quoi ! »
En tant qu’éleveur de bovins depuis 32 ans, Guy consacre une part essentielle de son travail à rester attentif aux signes de flirt entre ses bêtes. Il explique que ce petit jeu dure généralement un ou deux jours, tous les 21 jours, soit la durée du cycle menstruel des vaches. « Quand les vaches “chassent”, elles le montrent ! » Les premiers indices visibles sont les changements comportementaux. « Elles tournent leurs oreilles vers l’avant, sont agitées et gueulent, alors qu’elles sont d’habitude très calmes. » Mais le signe le plus évident, c’est quand les vaches se chevauchent …