Manuela Cadelli. La juge en baskets
Enquête (CC BY-NC-ND) : Jean De Baileux & Olivier Bailly
Illustrations (CC BY) : Olivia Sautreuil
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Mars 2016, elle signe une carte blanche explosive dans Le Soir : « Le néolibéralisme est un fascisme ». Ce texte définit le néolibéralisme comme un « économisme total qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque » et l’accuse d’être un « extrémisme ». Décembre 2016, sur le plateau de la RTBF, la juge Manuela Cadelli, présidente de l’Association syndicale des magistrats, flingue en direct Theo Francken (N-VA), secrétaire d’État à l’Asile, qui refuse de se conformer à un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles concernant l’octroi d’un visa à une famille syrienne : « Jean de Codt (premier président de la Cour de cassation, NDLR) a parlé d’État voyou, il avait raison, nous y sommes. » Orfèvre en buzz médiatique ? Peut-être. Passionnée ? Assurément. La juge namuroise abandonne toute prudence langagière pour faire le point sur l’état de la justice. « Le devoir de réserve, ce n’est pas le bal des convenances, des beaux habits et des beaux mots. » Musique, maestro !
Médor. Vos prises de position détonnent. Comment sont-elles perçues par vos collègues ?
Manuela Cadelli. Cela dépend des magistrats. Il y a beaucoup de progressistes. Et puis il y a des conservateurs, qui sont vite choqués.
M.Qu’est-ce que cela signifie ?
M.C.La justice belge est toujours au carrefour de deux récits : selon un premier, elle existe pour émanciper, pour renverser les rapports de force, les moduler ou les valider, sur une base rationnelle, en supprimant toute hiérarchie. C’est bon en soi : il y a beaucoup de décisions qui libèrent du joug. En face, il y a la justice que décrivait le philosophe Michel Foucault, la justice au service des dominants, des hégémonies, qui préfère une injustice à un désordre, qui est là pour mettre la peine maximale possible. L’Association syndicale des magistrats (ASM), à laquelle j’appartiens, est du côté progressiste. Selon nous, chaque coup porté aux services publics relève du même mépris du bien commun global. Nous avons noué des contacts avec d’autres associations : les syndicats, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue des familles, des fédérations étudiantes, le mouvement citoyen Tout Autre Chose et son pendant flamand Hart Boven Hard. Et d’autres. On est nombreux.
M.C’est quoi l’idée ? Décloisonner ?
M.C.On est au contact. L’objectif est d’avoir des rassemblements d’ampleur, des capsules de revendications et des conférences. Et une série de contre-propositions par secteur visant à restaurer des politiques qui servent le bien commun. Pour restaurer l’humanisme en somme.
On est a priori tous …