Nos mémoires acides
Enquête (CC BY-NC-SA) : Amélie Mouton
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Des Belges ont dissous son corps dans l’acide, mais son aura ne s’est pas évaporée.
Plus de 50 ans après sa mort, Lumumba hante toujours les mémoires du Royaume. Au point que l’évocation de l’ancien Premier ministre congolais suscite l’embarras dans les milieux culturels et politiques. Malgré les excuses de la Belgique, il n’est toujours pas question de lui dédier une rue ou un monument.
Léopold II chevauche en silence, longue gabardine et barbe taillée en éventail, en direction du siège bruxellois de la banque ING. Près d’un siècle que les passants de la place du Trône croisent cette silhouette familière figée dans le bronze. Au pied de l’imposante statue, une centaine de personnes crient leur colère. « Il n’y a pas d’hommage à rendre à un roi sanguinaire ! » On est un soir brumeux de décembre 2015 et, quelques jours plus tôt, la Ville de Bruxelles a annoncé son intention de célébrer le 150e anniversaire de l’intronisation du « Roi bâtisseur ».
Les collectifs Nouvelle Voie anticoloniale et Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations ont organisé ce rassemblement pour exiger l’annulation de la commémoration. « Comment la capitale de l’Europe peut-elle célébrer Léopold II en passant sous silence les crimes coloniaux ? », s’indigne Benjamine Laisi, jeune Belgo-Congolaise qui dit avoir pris « un coup de massue » en apprenant la nouvelle. La petite assemblée a soif d’autres symboles.
Plutôt que la silhouette de Léopold II, c’est celle de Patrice Lumumba qu’elle aimerait pouvoir contempler au détour d’une rue de la capitale. Ériger un monument à la mémoire du premier chef de gouvernement de la République démocratique du Congo, héros des indépendances africaines, ce serait un pas dans la nécessaire « reconnaissance et réparation des exactions perpétrées au Congo ».
Malaise à tous les étages
Mais au Royaume de Belgique, Patrice Lumumba est un nom à manier avec d’infinies précautions, …