La sale tête de l’Europe
Enquête (CC BY-NC-ND) : Julien Bialas
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Si l’architecture est l’expression de la pensée, quelle image l’Europe renvoie-t-elle par ses bâtiments bruxellois ? Celle d’un camp retranché, inaccessible et désordonné.
Janvier 1958. Depuis six ans, les États fondateurs de l’Europe cherchent un siège pour leur organisation. Une présidence tournante est décidée et la Belgique, première dans l’ordre alphabétique, ouvre le bal. Arrivées à Bruxelles un peu par hasard, beaucoup par manque de consensus politique, les institutions européennes s’y développent sans véritable cohérence architecturale. Des buildings longeant une autoroute urbaine, des vitres à perte de vue, des rues vidées de leurs habitants… « Le quartier européen ressemble à un district financier », remarque Ludovic Lamant. Auteur du livre Bruxelles Chantiers, le journaliste français y décode l’architecture des institutions européennes. Aujourd’hui, le Parlement européen se fissure. Le projet politique divise. Si « l’architecture ne résout pas les crises, rappelle Ludovic Lamant, elle peut être le révélateur d’un imaginaire et il est intéressant d’analyser la manière dont l’Europe se présente, elle-même, aux yeux du monde ».
Europa
Pour vivre heureux, vivons cachés
« Un œuf dans une cage » : voilà comment Ludovic Lamant décrit l’édifice Europa. « Je ne comprends pas ce que représente le bâtiment, c’est un symbole d’enfermement. » Cube de 11 étages, situé à quelques mètres du rond-point Schuman, l’Europa comprend deux façades entièrement vitrées et décorées de châssis de chêne brun. Philippe Samyn, l’architecte, expliquera s’être inspiré des moucharabiehs.
Reconnu pour sa capacité à travailler la lumière et sélectionner des matériaux plus ou moins réfléchissants, l’architecte né à Gand en est pourtant venu à concevoir un des bâtiments les plus …