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En marge !

D’où remonte-t-elle cette défiance plaquée sur des cartons bruns a priori recyclables, brandis par des milliers d’étudiants doux, mais pas comme des moutons – ils ont défilé sur les mêmes boulevards que les 40 000 nationalistes flamands de 1961 et 1962, les 300 000 pacifistes antimissiles de 1983 ou les 350 000 marcheurs blancs de 1996 ? S’ils avaient un lieu de ralliement ou une cible faisant consensus, ces défenseurs du climat iraient-ils à la Bastille, au Parlement ou chez Engie, face au parc Maximilien, où siège l’une de ces multinationales énergétiques incarnant la domination du capital ?

Qui sont-ils au juste, ces promeneurs verts, alliés de facto à la cause « jaune », sans gilet, sans vrai leader, mais sensibilisés par cette précarisation qui nous tend les bras ? Rêvent-ils des barricades ou du Grand Soir ? C’est sûr, il se passe quelque chose au Royaume des (consensus) mous. On le sent, la presse le répète, les partis de pouvoir en marche vers les élections du 26 mai en ont peur. Mais quoi, au fait ? Que se passe-t-il ? D’accord, la cité au sens étymologique du terme, la « polis », la communauté de citoyens libres et autonomes, redresse la tête, des générations si peu rebelles se disent qu’il n’est finalement pas trop tard. Et, pour peu, les 50 000 amis de la Plateforme citoyenne de soutien aux migrants, composant un groupe fermé sur Facebook, se rêveraient à gommer l’épouvantail du populisme décomplexé surfant sur cette obsession migratoire qui nous pèse.

Mais, au-delà de l’émotion populaire – pour la Marche blanche, on cherche encore ce qui la fédérait –, quel lien utile, quelle unité d’intention, quel ferment commun entre les gilets jaunes, les gilets jeunes, les hébergeurs de clandestins et les citoyens secoueurs de cocotiers détestant qu’on ne les consulte qu’une fois tous les cinq ans ?

Notre numéro un peu spécial, illustré par des affiches de tous les temps et tous les lieux, ne couvre pas l’entièreté de cette question. Les seuls interdits que nous nous étions fixés, il y a trois ans déjà, c’était de donner notre opinion et rien que notre opinion (sur tout, voire sur rien) ou de livrer une presse de solutions clé sur porte (on n’a pas la science infuse, on tente déjà de chercher au mieux, même si c’est pas toujours fun, mais là aussi, on essaye).

Avec sa couverture de slogan qui dit « Stop ! », marquons un temps d’arrêt avant le précipice, Médor veut juste vous tendre la main et vous suggérer de prendre votre place dans cette magnifique société de l’après-attentats, de l’après-N-VA (qui sait, ce parti qui joue sans cesse avec les limites pourrait subir sa première désillusion en 15 ans) et de l’après-déni des enjeux climatiques ou sociaux.

Ce numéro 14 s’est construit comme tous les autres, en équipe, sur les chemins et dans les trains, à la découverte d’autres réalités, en recoupant des informations, en faisant parler témoins, faits et dates. Il se fait qu’en filigrane, en parcourant ces pages, il vous sera possible d’aller aux sources de ce profond malaise de société. Médor a enquêté sur ce cri venu des citoyens en marge, de plus en plus nombreux, qui attendent un brin d’humanité dans un home, cherchent un père dans une pouponnière, travaillent à une autre alimentation, récoltent des déchets en plastique qui valsent dans la nature, subissent le dumping et la traite des êtres humains ou tentent, loin d’ici, de choisir l’avenir de leurs propres terres face à des entreprises gloutonnes. Leurs tracas, les soucis de ces gens en marge pourraient bien devenir ceux de la majorité.

« Fais-moi une place », disent-ils, à l’image de ces petits personnages du dessinateur Eric Lambé, qui a accepté d’illustrer notre couverture. À dix semaines des élections, on ne va pas vous chanter une berceuse. Cette Belgique électrisée a décidément un petit problème dans ses institutions, affaiblies, à sec. Elle n’est pas la seule. Comme aurait pu le dire la ministre « de l’Énergie » Marie-Christine Marghem, à court d’idées et dont nous brossons le portrait : « J’adore qu’un accroc se déroule sans plan. » Sous-entendu, tout ce qui nous arrive aujourd’hui, nous le savions, mais nous n’avons rien fait. Stop, bougeons !

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