Communiqué : Quand Socfin (Bolloré et Fabri) attaque Médor

27 novembre 2025 

Suite à la publication en 2019 d’une enquête « Socfin/Cambodge : les terres rouges des Bunongs perdues à jamais », l’entreprise Socfin (détenue par le groupe Bolloré et Hubert Fabri) a attaqué Médor devant la justice pénale luxembourgeoise.

Six ans, des milliers d’euros, des auditions, des inculpations et des heures de défense et de stress plus tard, la justice a ordonné un non-lieu, le 30 avril dernier. Médor dénonce une procédure-bâillon.

Lors d’une enquête « Socfin/Cambodge : les terres rouges des Bunongs perdues à jamais », publiée par Médor en 2019, le journaliste Cédric Vallet évoquait une « concession litigieuse sur laquelle flottent des soupçons de corruption » sur des terres forestières occupées par une minorité autochtone (Bunongs-Cambodge).

Suite à cette publication, l’entreprise Socfin, détenue par le groupe Bolloré et Hubert Fabri, a porté plainte contre Médor en juin 2019, devant la justice pénale luxembourgeoise.

Médor, sa directrice, et son journaliste Cédric Vallet ne seront convoqués que quatre ans plus tard devant la juge d’instruction ! À l’issue de cette audition, la magistrate signale que Médor et son journaliste sont inculpés pour diffamation et/ou calomnie ainsi que pour injure-délit.

Mais près d’un an plus tard, le parquet annonce qu’il n’a pas l’intention de poursuivre Médor.

Malgré la volonté du magazine belge d’être totalement innocenté dans cette procédure, la plainte de Socfin débouche en avril 2025 sur un non-lieu pour prescription. Socfin pouvait faire appel de ce non-lieu endéans les cinq jours. La société n’a pas réagi. Ce n’est pas une surprise. Pendant toute la procédure, la société n’a jamais montré aucune volonté de faire aboutir cette affaire.

Médor a perdu beaucoup de temps. Et d’argent. 18 424,70 euros pour être précis. En 2025, environ 5 % de notre budget, déjà tendu, est consacré à cette action.

Pendant les six années de la procédure, nous n’avons rien communiqué de cette affaire, sur le conseil de nos avocats. Aujourd’hui, Médor dénonce une procédure qui nous semble pouvoir être qualifiée de procédure-bâillon.

CE QUE MÉDOR DÉNONCE :

Pendant les six années de la procédure, nous n’avons rien communiqué de cette affaire, sur le conseil de nos avocats. Aujourd’hui, nous dénonçons une procédure qui nous semble pouvoir être qualifiée de procédure-bâillon. Car elle vise à nous mobiliser, nous épuiser physiquement, psychologiquement et financièrement. Cette terminologie, nous ne la sortons pas d’un chapeau, elle est définie par la directive européenne du 11 avril 2024 (UE) 2024/1069. Cette directive, qui doit être transposée pour le 7 mai 2026 au plus tard, ne vise que les procédures civiles et commerciales. Il reste à espérer que le législateur belge l’étende aux procédures pénales.

Bien que l’argument de la procédure abusive ait été longuement étayé dans nos écrits, la chambre du conseil luxembourgeoise ne l’a pas retenu – à noter que la directive n’est pas non plus encore transposée en droit luxembourgeois – et a même relevé que dans les circonstances ressortant du dossier, Socfin a pu agir de bonne foi. Si nous ne remettons pas en cause la vérité judiciaire (nous n’avons aucun recours contre cette décision), cette dernière appréciation est difficile à accepter.

Pour Socfin, entreprise d’envergure mondiale, qui dispose de gigantesques ressources financières, cette procédure ne coûte rien. Pour un journaliste indépendant et un média comme Médor, le coût financier et humain est énorme. Il existe donc un rapport de force totalement déséquilibré.

La procédure pénale engagée à notre encontre constitue selon nous une claire tentative d’intimidation, l’objectif étant de nous réduire au silence et de nous empêcher de mener notre mission, celle de traiter et d’éclairer des sujets d’intérêt général. Sans même parler des effets financiers et psychologiques, cette action en justice pourrait décourager voire empêcher Cédric Vallet – et d’autre journalistes - de travailler sur des sujets sensibles, voire sur ce groupe. Alors qu’il voulait poursuivre son enquête au Ghana sur le cacao belge, Cédric a vu sa demande de passeport en urgence (au consulat français) bloquée. Car suite à ce procès, Cédric figurait… dans le « fichier des personnes recherchées ». Socfin, lui, a lancé cette plainte, mais n’a ensuite pas démontré de volonté de faire avancer la procédure, ni de la voir aboutir.

Socfin n’a pas cherché à clarifier ses accusations, n’a pas agi comme une structure réclamant justice. Elle a déposé une plainte, puis a laissé… Médor réagir et se débattre avec la justice pendant cinq ans, pour laisser au final l’action se prescrire.

Selon une enquête de Bloomberg sortie en avril 2025, Socfin et le groupe Bolloré ont ces dernières années intenté plus de 50 poursuites judiciaires contre des journalistes, des ONG et des militants. Aujourd’hui, ces acteurs puissants attaquent des titres de presse mais en soutiennent d’autres en Belgique au nom de la liberté de la presse. Celle qui est en accord avec leur vision, celle qui ne remet pas leur discours en question. Mais qui leur permet de diffuser leurs idées.

Médor, lui, poursuivra son travail d’investigation, d’enquêtes, dans la perspective d’intérêts publics, à l’opposé des intérêts de quelques milliardaires.

Notre indépendance n’est pas un slogan. C’est une structure : Médor est une coopérative de presse. Ses comptes sont publics, la totalité de ses revenus sont transparents, des coopérateurs et coopératrices sont dans le conseil d’administration. Aucun actionnaire, aucune association, aucune ONG, aucun pouvoir public n’a d’intérêt économique dans notre projet. Médor ne sert pas les intérêts de quelques-uns, mais celui de l’intérêt général, porté et garanti par nos coopérateur.ices.

  

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