Nos tripes
Médor est un projet qui a mûri au coin de tables de cuisine, entre 2012 et 2014. Après deux ans passés à s’embraser sur de grandes idées (encourager le journalisme d’enquête en Belgique) et s’engueuler sur des détails (le nom « Médor » est-il vraiment sérieux ?), une coopérative est née, qui compte aujourd’hui près de 1900 membres. En novembre 2015, le premier numéro de notre magazine trimestriel est sorti. Il s’est vendu à 9833 exemplaires, sur un demi-pays qui compte moins de 5 millions d’habitants.
Depuis son lancement, Médor développe des pratiques journalistiques et un mode d’organisation uniques afin d’offrir à notre territoire, la Belgique, un magazine indépendant, surprenant, artisanal et de qualité. En près de dix ans de publication, nous bossons toujours avec nos tripes. Sans rien changer à nos valeurs. Mais nous voulons aujourd’hui réaffirmer notre volonté de faire de Médor un média généreux, éthique et robuste.
Nous pensons qu’à son échelle, Médor a apporté un regard inventif sur le monde des médias. Au-delà des nombreux prix, belges et internationaux, qui ont récompensé notre journalisme et notre organisation, Médor a, modestement, influencé le paysage médiatique. Structure en coopérative, rédaction en chef tournante, recours aux logiciels libres, goût de l’investigation, propres solutions graphiques, direction artistique centrée sur les productions d’artistes résidant en Belgique et lien texte-image, etc. D’autres titres de presse, d’autres structures de l’économie sociale s’inspirent désormais de nos expériences.
Lors de sa création, Médor a couché ses tripes sur écran (« L’ADN de Médor »). Le texte a été revu, corrigé et simplifié mais, sur le fond, rien n’a été renié.
Belge. Comme chacun d’entre nous, Médor ne sait pas exactement ce que veut dire être belge. Mais il continue d’explorer notre territoire commun. Ce pays d’enquêtes est aussi un terrain graphique, que nous explorons à travers l’illustration, la photo documentaire (en voie de disparition dans la presse), la BD et même le choix des fontes (polices de caractères). Avez-vous reconnu celle du logo « Médor » ? C’est l’ancienne typo des chocolats Côte d’Or.
Spéléologue. Médor creuse profond. Plusieurs semaines ou mois pour une enquête, des journalistes investis dans l’accompagnement de chaque auteur, des collaborations visuelles associées au projet. Nous créons des conditions de travail qui permettent d’aller au fond des choses. Cela contribue à la lutte contre l’accélération, l’uniformisation et la polarisation de l’information. Médor est un média de temps long et de nuances.
Libre. Médor n’est ni votre ami ni votre ennemi. Nous ne sommes pas dans la conviction, même si nous avons des valeurs. Nous cherchons des faits et nous essayons de les comprendre de la manière la plus juste. Nous nous mobilisons pour la survie d’un journalisme d’enquête en Belgique, libre de travailler sur n’importe quel sujet. Médor n’est adossé à aucun groupe de presse, aucun groupe commercial, aucune association ou organisation publique. Les logiciels qui font Médor sont libres (ou open source), eux aussi et nous encourageons nos collaborateurs et collaboratrices à adopter des licences Creative Commons pour faciliter le partage de leurs articles.
Enthousiasmant. On aimerait dire qu’on est super drôles, mais en fait, on ne l’est carrément pas. Alors disons que nous essayons de cultiver à la fois la rigueur et le plaisir. Que Médor soit, à sa manière, une fête où l’expérimentation et la surprise sont mises à l’avant-plan.
Inventeur. Médor cherche, avec un avantage sur les médias déjà en place : jusqu’il y a peu, il n’existait pas. Médor peut tout réinventer, tout tester, au risque même se planter : média constitué en coopérative de citoyens et citoyennes, graphisme en logiciel libre, rédaction en chef tournante, enquêtes participatives, etc. Dans un laboratoire permanent, Médor adore bricoler, se marrer et, même, inventer. Médor se construit de manière artisanale. Nous prenons le temps d’aller sur le terrain et de construire une pratique d’atelier, où l’info se pense aux côtés de la maquette et de la diffusion.
Inclusif. Médor fait tout ce qu’il peut pour ne pas être « trop blanc, trop mec, trop chiant ». L’information reflète la vision du monde de ceux qui la font. Alors, on ouvre les fenêtres de la rédaction, via un vaste « plan diversité » soutenu par Actiris l’Office Régional Bruxellois de l’Emploi (toutes nos initiatives sont racontées et décryptées par les Autruches de la rédaction). Médor est le premier média en Belgique à avoir lancé une bourse « inclusion », afin de favoriser la diversité au sein de la rédaction et dans nos choix d’articles. Mais nous refusons que les identités individuelles d’un·e journaliste déterminent sa légitimité à traiter un sujet d’intérêt public. C’est le temps passé à approfondir un sujet et à l’aborder avec nuances qui valide la démarche. Ce sont le brassage d’idées, de cultures et d’identités qui créent la richesse et non leur segmentation.
Digne. Les personnes qui ont pensé Médor sont des producteurs et productrices de sens (journalistes, graphistes, etc.), souvent indépendants. Or, les pigistes belges gagnent en moyenne moins que les laveurs de vitres (voir l’étude de l’AJP). Nous voulons un média digne sur toute la ligne, qui paie correctement les personnes qui y contribuent. Augmentons les journalistes et les laveurs de vitres ! Ils et elles aident à y voir clair. Médor ne cherche pas à être le beau gosse de la cour de récré. Nos illus ne courent pas derrière l’esthétique à la mode mais derrière le sens.
Perfectible. Médor pratique l’article 27 (démocratisation de l’accès à la culture et à l’info), est attentif aux questions de diversité et d’égalité femmes-hommes (à ce sujet, voir à quel point nous sommes perfectibles), est imprimé sur papier FSC en Belgique dans une entreprise familiale, relié et mis sous enveloppe par des entreprises de travail adapté (ETA Renaître et ETA Atelier Cambier) et en partie livré à vélo par deux coopératives de coursiers. La plupart de son contenu est sous licence libre. Médor est un média généreux, qui partage ses infos et ses outils avec le plus grand nombre. Il est accessible à prix coûtant pour les personnes qui ne peuvent payer le prix fort. Mais on peut toujours faire mieux. Alors pas de raison de s’arrêter…
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