Serge Kubla en résidence surveillée
Enquête (CC BY-NC-ND) : Philippe Engels
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C’est une mesure judiciaire rarissime à l’égard d’une personnalité politique de premier plan : la villa de l’ex-ministre MR Serge Kubla, inculpé pour corruption et blanchiment d’argent dans le cadre de l’affaire Duferco, a été saisie à titre provisoire pour une durée de cinq ans. Dans son numéro 9 à paraître le 6 décembre, Médor publiera une vaste enquête sur ce surprenant dossier politico-financier. En attendant, voici une entrée en matière à 5 millions d’euros.
Au 103 de l’avenue du Manoir, l’artère la plus chic de Waterloo, l’ancien ministre, député et bourgmestre Serge Kubla n’est plus tout à fait chez lui. Médor l’affirme : sa belle villa protégée des regards par une haie imposante a fait l’objet d’une saisie judiciaire. Kubla peut encore recevoir des amis, préparer son sapin de Noël et même engager des travaux d’aménagement, s’il le souhaite. Mais, durant cinq ans, il lui est interdit de vendre ce bien immobilier, estimé à environ 1 million d’euros.
Pourquoi le ciel est-il tombé sur la tête de Serge Kubla, membre du Mouvement Réformateur, le parti du chef du gouvernement fédéral Charles Michel ? L’ancien ministre wallon de l’Economie a été placé en détention préventive il y a bientôt trois ans. On se souvient de ces images télévisées d’un grand format de la politique aussi soulagé qu’embarrassé à sa sortie de prison. C’était le 26 février 2015. Le libéral avait passé deux nuits à la prison de Saint-Gilles avant de reconnaître peu à peu son rôle d’intermédiaire pour le compte de la firme sidérurgique italienne Duferco. Alors qu’il était encore député, en 2009, Kubla avait commencé à percevoir un fixe trimestriel de 240 000 euros payé par Duferco via une société maltaise. Inculpé pour corruption, son rôle aurait consisté à transmettre à de hauts dirigeants congolais des enveloppes de billets censées faciliter l’accès des Italiens au marché congolais.
LE CONSULTANT ÉCRIT À LA MAUVAISE ADRESSE
Mais il y a des détails qui tuent. Serge Kubla ne pratique pas bien l’anglais. Selon l’enquête judiciaire, il aurait dès lors mouillé son fils Laurent, ingénieur commercial reconverti en chanteur d’opéra, auditionné en juin dernier, dans la confection des petites factures. Et tout le monde ne jouait manifestement pas la même partition : les maudites factures étaient envoyées à une mauvaise adresse, en Suisse plutôt qu’au Liechtenstein. Ce qui a contribué à attirer l’attention du fisc et de la police… Au fil du temps, Kubla aurait aussi relâché la prudence élémentaire quand on manie des allumettes en milieu offshore. Egalement inculpé pour blanchiment d’argent, il est suspecté d’avoir cherché à faire disparaître un magot secret suisse d’environ 5 millions d’euros et il s’est fait remarquer (et dénoncer) par les autorités luxembourgeoises en quittant le Grand-Duché avec d’importants montants d’argent liquide.
D’où la méfiance des enquêteurs belges, sous la direction du juge d’instruction bruxellois Michel Claise. S’ils ont saisi une partie du patrimoine immobilier de la famille Kubla, c’est pour garantir que l’infraction présumée puisse déboucher sur une réelle sanction financière (la confiscation) et éviter l’insolvabilité de l’ex-ministre. Selon nos informations, Serge Kubla, 70 ans, pourrait être directement cité à comparaître devant un tribunal correctionnel, dès le début 2018. S’il était reconnu coupable de corruption et/ou de blanchiment, et qu’il faisait valoir une impossibilité de payer les amendes réclamées, l’Etat belge se trouverait le bec dans l’eau. « Ce type de saisie est relativement courante dans les dossiers de criminalité financière. Il peut forcément être transformé en confiscation définitive en cas de condamnation, commente un haut magistrat préférant garder l’anonymat. Mais, de mémoire, je n’ai pas le souvenir d’une telle mesure à l’égard d’une personnalité politique de premier plan. Vu l’impunité qu’on reproche à la justice, il s’agit d’un geste marquant. »
SANS FOI NI TOIT ?
La saisie conservatoire qui vient d’être signifiée au couple Kubla (c’est madame qui a signé le document) porte sur sa résidence principale. Il s’agit d’une villa achetée le 4 août 1993 pour la somme de 19,5 millions d’anciens francs (500 000 euros). Etant donné l’état du marché immobilier, à Waterloo, il serait raisonnable de considérer une valeur de revente égale ou supérieure à 1 million d’euro. Celle-ci tient compte de la belle superficie du terrain (22,6 ares) et de sa situation idéale – un quartier arboré qui a aussi séduit le milliardaire kazakh Patokh Chodiev, voisin direct des Kubla.
D’autres éléments sensibles du patrimoine de Serge Kubla seront-ils visés par cette mesure de saisie provisoire ? La famille Kubla posséderait notamment un bien immobilier à la Côte belge et Laurent Kubla occupe une maison de maître à deux pas de… la prison de Saint-Gilles. Aucune information ne filtre à leur sujet.