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"On a pédagogisé les loisirs"
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Huuuue, Bienvenue dans l’infolettre « Flûte, j’ai poney », une enquête participative du magazine Médor. Jusqu’en décembre 2024, nous nous intéressons aux activités extrascolaires et à ce que les parents peuvent mettre (ou non) en temps, en argent et en charge mentale dans les loisirs de leurs enfants. Pour mieux comprendre comment tout ça accentue les inégalités. Vous avez loupé des bouts ? Rendez-vous sur www.medor.coop/poney La conclusion de ce travail sera publiée dans le Médor n°37 (décembre 2024). Abonnez-vous avant ! www.medor.coop/abo
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3, 2, 1... partez !Ici, Chloé et Céline, journalistes et co-fondatrices de Médor. Quand nous ne sommes pas en train d’écrire ou d’éditer des articles, que faisons-nous ? L’une de nous fait des « navettes » (vive la campagne !) pour le cours de danse de la petite ; l’autre élabore des stratégies pour savoir quand s’ouvrent les inscriptions au stage « poney et cerfs-volants » pour lequel il faut être au sur-taquet. Un jour, on s’est posé la question : « Mais comment font les autres ? » Et aussi : « l’extrascolaire amplifie-t-il les inégalités ? » Dans notre numéro de mars, nous avons lancé un appel à participation et à témoignages, via un formulaire en ligne. Malgré quelques petits bugs (le développeur était à la piscine), vous êtes des dizaines à l’avoir déjà rempli. MERCI !! De notre côté, nous avons aussi démarré plein d’activités : interviews, chasse aux chiffres, échanges avec des familles, lectures thématiques. On vous raconte tout cela dans cette infolettre… C’est parti !
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Ces joyeuses illustrations sont signées Pauline Lecerf.
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Lundi, activité « interview »
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« On a "pédagogisé" les loisirs »— Hugues Draelants
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Dans sa jeunesse, Hughes Draelants a fait de l’escalade, de la guitare et du scoutisme. Devenu sociologue à l’UcL, il s’est « logiquement » intéressé au rôle de l’école et des familles dans la fabrication des inégalités sociales. Pour lui, c’est clair : on se démarque socialement via les activités extra-scolaires. Mais, contrairement au choix de l’école ou d’une filière d’étude, c’est fait de façon inconsciente. Le sociologue identifie deux tendances dans les familles au capital socio-culturel élevé (qui ne sont donc pas forcément « riches » au sens « pétés de thunes ») : - La pédagogisation des loisirs. Les parents ont intégré l’idée que toute activité était source d’apprentissage, et qu’on pouvait apprendre par plaisir. Fini le « temps perdu », les jeux débiles, la passivité. « Le mot-clé, c’est l’enrichissement ». Toutes ces vacances, toutes ces heures après l’école sont donc mises à profit pour apprendre un max en s’amusant.
- Les activités comme signe distinctif. Les études se démocratisent. « Face à l’employeur, les titres scolaires ne sont plus aussi distinctifs ». Il faut donc autre chose pour sortir du lot. Là où on recherchait autrefois un « capital culturel » (coucou Bourdieu) fait de musique classique, de grande littérature et de cours de tennis, ce qui est aujourd’hui « rentable », ce sont les compétences humaines. « Tout ce qu’on appelle le capital attitudinal, les soft skills » : développer un réseau (par ici, les scouts), être à l’aise en public (par là, le cours de théâtre) ou connaître plusieurs langues (vas-y, un stage de japonais-cuisine).
Mais alors, l’école ne parviendra jamais à supprimer les inégalités ? Tout se joue vraiment après 16h ? « Elle peut les atténuer, et c’est déjà beaucoup, mais elle ne pourra probablement jamais les supprimer. A moins d’enlever les enfants de leurs familles ou à contraindre leur temps libre. Le politique a un coup de retard face aux familles, qui adaptent leurs comportements face aux décisions et réformes. Beaucoup de stratégies des classes moyennes supérieures sont des réponses aux politiques éducatives qui cherchent à démocratiser l’école ».
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Mardi, activité « chiffres »
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C’est ce qui ressort du dernier « Baromètre » publié par la Ligue des familles, publié le 15 avril 2024. Derrière ce chiffre, bonjour les inégalités : - 90% des parents les plus aisés (plus de 5000 euros nets/mois) inscrivent leurs enfants à des activités ;
- contre seulement 66% chez les plus précaires (moins de 2200 euros nets/mois).
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Mercredi, activité « détente »
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Ça y est, on s’est fait traiter de « bobos ». L’insulte suprême n’a pas tardé. Une personne, qui dit avoir « 12 ans » (et pourquoi pas), nous écrit : « Voici donc une enquête de bobos citadins qui ne pensent pas une seule seconde que plein de parents ne peuvent pas payer une activité extrascolaire ni même de camps de vacances qui coûtent un pont. Traiter de problèmes de riches, c'est si facile. » Et bien, pas si facile, d’après nous. Parce que les « riches » ne disent pas volontiers ce qu’ils gagnent ni ce qu’ils dépensent pour leurs loisirs. Dans « Avoir ou se faire avoir », la poétesse et journaliste Eula Biss énonce les règles qui, selon elle, prédominent chez les personnes privilégiées : - Ne parlez pas d’argent.
- Si vous devez en parler, pas de somme précise.
- Minimisez ce que vous avez.
- Mettez en valeur le fait que vous l’avez mérité.
- N’oubliez jamais que le travail est l’histoire qu’on se raconte soi-même sur l’argent. »
Cette question d’accès, qui dépasse le fait de ne « pas pouvoir payer », on y reviendra dans une prochaine infolettre.
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Jeudi, activité « buvette »
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Un exemple de questions que l'on vous pose. « Jamais seul, toujours ensemble. » Comme l’Union belge de football, nous avons besoin d’une grande équipe soudée pour mener cette enquête. Vous êtes parent ? Beau-parent ? Grand-parent ? Enfant ? Aidez-nous à comprendre ce qui se joue dans cette course « flûte/poney » en répondant à notre questionnaire. Rassurez-vous, c’est anonyme. Nous cherchons aussi des « familles cobayes », prêtes à nous donner plus d’infos sur leurs choix, leurs agendas, leurs dépenses, etc. Partant·es ? Écrivez-nous à poney@medor.coop.
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À intervalle surprise, dans cette infolettre, on vous partagera tout un tas d’infos. Transférez-la autour de vous. Et dites à vos groupes whatsapp de parents de s’y abonner, sur www.medor.coop/poney. Et si vous voulez nous encourager, nous liker, nous jeter des tomates ou des gif : poney@medor.coop Les infolettres « poney » sont gratuites (de rien, ça nous fait plaisir). Mais vous vous en doutez, notre média existe grâce à votre financement. Près de 90 % de nos recettes proviennent des ventes (abonnements et librairies). Si vous avez aimé ce que vous avez lu, n’hésitez pas à faire un tour sur notre boutique.
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Chloé Andries Chaque jour, elle remercie le ciel que la passion de sa fille soit de « chiller dans le canapé ». Ce qui lui laisse du temps pour sa propre passion, fabriquer des pièges à limaces. Le reste de ses journées, Chloé les passe comme journaliste et pilote de Médor. Elle a réalisé pour la presse belge et française des enquêtes (et un film) sur les écoles alternatives, les réseaux catholiques d’extrême droite ou les garagistes du fin fond du Hainaut. Ses dadas : l’éducation, les religions, l’identité et les marges. Céline Gautier Experte du hobby horse (à titre professionnel) et joueuse de badminton sur le temps de midi, Céline connaît les meilleurs plans de stages pour enfants mais adore surtout fabriquer des décors en carton avec sa fille. Sinon, est elle aussi journaliste et pilote de Médor. Elle a réalisé, entre autres, des enquêtes sur le don d’ovocytes (prix Belfius 2017), l’enseignement spécialisé ou les places en crèche. Elle s’intéresse aux questions de société, à l’enseignement ou à l’accord du participe passé.
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Merci de votre intérêt pour notre enquête ! On se retrouve bientôt pour la même chose ou presque.
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