« Si ça ne vous plaît pas, vous n’êtes pas obligé de rester en Belgique », disait en juin un chef de gouvernement, candidat MR aux élections législatives, à un député fédéral belge d’origine marocaine. Avec de tels propos populistes, il a fait exploser ses scores personnels. « Merci de nous revenir cette semaine (en nous rassurant sur le fait que vous n’abîmerez pas notre image), à défaut nous envisagerons toute mesure utile pour défendre notre réputation », ont écrit à deux de nos auteurs – au début de novembre – les organisateurs de séminaires de développement personnel où tout est fait pour assujettir les clients. « Dégagez ! », clamait il y a quelques mois un agent immobilier armé de ses deux gros chiens, en chassant des sans-papiers qui défiaient son sens aigu de la spéculation. Il n’a pas aimé notre BD du numéro 36, dépose une plainte au Conseil de déontologie et souhaite se glisser aujourd’hui dans les rangs des victimes. « Tu nuis à la réputation de l’UCLouvain », a dit un ancien recteur tout récemment passé en politique à un éminent scientifique. Celui-ci n’avait fait que lancer l’alerte, en soutien à des chercheuses de pointe. Leur objectif : dénoncer le sexisme et le harcèlement que subissent tant de femmes dans ce lieu de formation mais aussi dans l’ensemble du monde académique.
Résistance
Médor a envie de s’appeler Résistance en cette fin d’année catastrophique pour les démocrates, de New York à Gaza, où, comme le dit la militante de la cause palestinienne Leïla Shahid, les silences de la communauté internationale par rapport aux dizaines de milliers de morts dans les territoires occupés continueront à nous hanter (lire son interview ici). Jamais depuis notre naissance, il y a bientôt dix ans, la vague populiste, autoritaire, fascisante qui menace de submerger la planète n’avait été aussi effrayante. Jamais les volontés de faire taire les opposant·es, les lanceuses et lanceurs d’alerte, les journalistes non aligné·es n’avaient été aussi flagrantes, notamment en Europe. Même en Belgique, Médor surveillera de près, dès ce numéro 37 et tout au long de 2025, les impacts d’un coup de barre politique à droite sur les populations les plus précarisées (lire notre récit sur les « Territoires zéro chômeur longue durée », dont la pérennité est menacée).
Il y a un an, en indiquant qu’il y avait un trou dans son budget, Médor a lancé un SOS. Un grand soutien a suivi, mais nous ne sommes pas encore sortis de la zone à risque. Dans l’« Appel de Médor pour un journalisme robuste », publié aussi il y a un an, nous rappelions l’importance d’un de nos piliers depuis notre naissance : nos investigations fouillées, nos immersions sur le temps long. Dans ce numéro, vous en avez un aperçu. Les deux enquêtes sur lesquelles nous titrons en couverture résultent d’un travail journalistique qui ne se compte pas en mois, mais en années. Il s’agit de pratiques anormales dans des lieux sensibles : une université qui enseigne à plus de 20 000 étudiants, des séminaires de développement personnel où auraient déjà convergé plus de 26 000 personnes. Sans oublier l’immense projet participatif autour des activités extrascolaires de nos enfants démarré en mars 2024. Il aboutit ici et permet de mettre au jour un sujet mal traité, sous-documenté dans notre société. Mettre sur la table des sujets peu couverts, creuser encore plus ceux qui remuent la société : notre rôle d’intérêt public est là.
Intimidation et bâillon
Jamais en neuf ans, un article de Médor n’a été contesté avec succès devant un tribunal. Il n’y a jamais eu d’erreur de faits, de dates, de lieux, de chiffres dans aucune de nos enquêtes de fond. Sans quoi nous aurions été descendus dès notre n°1 par la firme pharmaceutique Mithra ou, lors de l’hiver 2019, à la suite d’une investigation pointant une multinationale qui a la réputation de cibler les journalistes à peine leur encre sèche. Celle-ci a porté plainte fissa devant une juridiction étrangère, où elle a ses aises. Pour intimider. Pour rappeler qui détient le pouvoir dans ce monde dérégulé. Nous ne la nommerons pas encore ici, même s’il apparaît aujourd’hui que son action judiciaire incarne à la « perfection » ces procédures bâillons qui coûtent tant d’énergie, voire d’argent aux médias alternatifs. Bientôt, comme les victimes du sexisme, du harcèlement, des abus de pouvoir en milieux fermés, nous contribuerons au fil rouge dessiné dans ce numéro 37 : « Le silence, c’est fini. » Un message d’espoir, espérons-le.
Médor fête son 37e numéro en organisant des rencontres, ateliers, débats, apéros à Barricade (Liège) du 4 au 18 décembre. Découvrez le programme sur medor.coop/sorties et rejoignez-nous, les événements sont gratuits !