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Sauve qui sait !

Médor n’est pas un chien. Mais il commence à avoir une gueule. Enfin ! Il y a trois ans, lors de l’une de nos toutes premières réunions, nous émettions le souhait de faire « du journalisme de journalistes ». Cet objectif peut paraître a priori un peu petit joueur. Il est pourtant aussi ambitieux que de vouloir encore faire du « pain de boulangerie » alors que les grandes surfaces en proposent moins cher, plus vite et avec une odeur de cuisson diffusée en spray. Ce journalisme pétri à la main implique de se remettre à l’enquête, de contourner les machines de guerre que sont devenus les services de communication, et d’investir notre territoire, la Belgique.

Humblement, Médor espère faire vivre ce journalisme d’intérêt public (à ne pas confondre avec le succès populaire), qui ne cherche pas à séduire le lecteur mais à lui ouvrir les yeux. Les menaces sont réelles. Parmi elles, celle des procès, qui constituent, selon Jean-Paul Marthoz, l’« une des principales formes de censure qui pèsent aujourd’hui sur la presse des pays démocratiques ». Mais au quotidien, c’est surtout la précarité du métier, la peur de nuire aux intérêts économiques des groupes de presse ou la course à la rentabilité qui tuent le journalisme à petit feu. Médor a pensé l’organisation du travail collectif, les rémunérations des auteurs et l’indépendance de la coopérative dans l’espoir, si pas d’apporter des réponses définitives à ces questions, au moins d’ouvrir le débat.

L’âme sportive, nous nous sommes ajouté un autre chantier : celui de questionner nos rapports aux outils informatiques. Le graphisme de Médor a été entièrement réalisé avec des logiciels libres (programmes qu’on peut utiliser et modifier librement), ici une technologie qui sert habituellement à composer des pages sur Internet (le HTML et le CSS). Il s’agit surtout de pouvoir s’approprier entièrement l’outil et de le bidouiller, ensemble, pour en sortir quelque chose de plus neuf et de plus riche ; de s’écarter un peu des logiciels mondialisés qui, à l’instar des monocultures, finissent par lisser les paysages et appauvrir l’imaginaire. « La tragédie n’est pas dans l’explosion d’une catastrophe, écrit le philosophe du design Pierre-Damien Huyghe. Elle s’installe en fait dès qu’une situation cesse d’être diversifiable. »

La pratique du « libre » chez Médor a été, jusqu’ici, une expérience riche, mouvementée, cocasse et parfois explosive. Travailler sur des programmes aux noms exotiques nous a obligés à repenser complètement l’organisation d’une rédaction. Chaque contrainte technique a été une occasion de se parler entre journalistes, graphistes, développeurs et auteurs visuels et de créer un début d’écosystème propre à notre média (pour en savoir plus sur les conséquences de cette belle collaboration, lire aussi « Comment Médor a ruiné ma vie sexuelle » à la fin de notre premier numéro). Faute d’une plateforme de mise en page libre adaptée à nos besoins, nous nous sommes attelés à développer notre propre kit. Et c’est grâce — ou à cause (de) — cela que Médor a une gueule différente des autres. C’est pour cela aussi que vous risquez de tomber sur des enfilades de césures ou de mauvais alignements de colonnes qu’un magazine mis en page sur Adobe InDesign n’aurait sans doute pas laissé passer. On fera un peu mieux à chaque fois.

Car ce nouveau magazine n’est pas qu’un produit fini, consommable et jetable. C’est une aventure en cours. Né d’une rencontre entre des auteurs et des lecteurs exigeants, il est devenu un tout grand projet collectif. À l’heure de boucler — bien en retard, comme il se doit — ce premier numéro, nous pouvons déjà compter sur le soutien de plus de 500 coopérateurs et de plus de 1 500 abonnés ainsi que de nombreux partenaires qui ont cru en Médor avant même d’en avoir lu la première ligne. Et, à présent, il y a ceux qui nous découvrent en librairie.

Votre soutien massif nous met une petite pression sur les épaules. Nous l’avons bien cherché et elle est salutaire. Nous ferons tout pour être à la hauteur de vos attentes et de produire un journalisme qui non seulement informe mais aussi réfléchisse à la manière de fabriquer l’info.

Nous avons les moyens de vivre un an. Nous ne pouvons pas promettre la réussite de l’entreprise. Mais personne ne pourra dire qu’on n’aura pas essayé.

Bonne lecture,

Les 19 fondateurs de Médor

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